Agriculture: une réorientation par Stéphane Le Foll ?

Billet de Nicolas Imbert – directeur exécutif      Green Cross France et Territoires

De retour du colloque “Produire autrement”, organisé par le Ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, ce 18 décembre…

 Intéressant – la raison a changé de camp…quelles seront les actions à venir ?

 L’agro-écologie a été présenté sous un visage juste, qui donne courage et envie, sans généralisation excessive et en montrant bien la pertinence des diverses démarches, comme leur incarnation sur les territoires…avec une ambition affichée “faire de l’agro-écologie une force pour la France.
Le message sonnait globalement très juste…finalement il posait une question: la principale finalité n’était-elle pas de fédérer tous les acteurs de l’agriculture, et notamment les coopératives, les chambres d’agricultures, les syndicats, les organes et services de l’Etat, les formateurs et notamment lycées agricoles, de l’intérêt d’intégrer plus l’agro-écologie dans leur pratique ? Atteindre déjà ceci est en tant que tel un objectif fort.

 Ensuite, et en parallèle, tant reste à faire:

– pour valoriser auprès du consommateur, des distributeurs (ou en vente directe) et de la filière, les valeurs ajoutées de produits issus de l’agro-écologie, par un discours juste et collant à la diversité des pratiques, sans perdre le consommateur,
– pour que le modèle économique valorise, à réalité de marché et sans recourir à la solution de facilité des subventions proportionnelles à la production, la performance environnementale (et une idée a fait son chemin lors de cette journée: valoriser le foncier agricole selon la richesse organique de la terre)
– pour faire rentrer l’agro-écologie, au même titre que d’autres pratiques agricoles, dans les lycées et centres de formation, les organismes de recherche (INRA, CIRAD…), et dans les filières.
Green Cross connait bien ces enjeux et ces difficultés pour les vivre, au quotidien, dans son projet de prototypage d’un élevage porcin qui respecte l’environnement, notamment la qualité des eaux, le consommateur et l’animal en Bretagne Nord, et concilie performance économique, écologique et sociale;
On a entendu beaucoup d’idées dont nous sommes proches, ou que nous soutenons:
– la nécessité d’un apprentissage collectif et d’un travail en groupe pour co-construire une démarche, un exemple territorial, soulevée par Marion Guillou (Agreenium), qui relevait également l’importance d’identifier les différentes formes d’agro-écologie autour de la planète, et d’en construire des briques dont chaque territoire peut s’inspirer pour construire sa ou ses solutions propres un système tout sauf monolithique, qui ne cherche pas à faire des modèles, mais construit une boite à outils de diversité.
– une agriculture plus locale, moins mécanisées et avec très peu d’intrants devient beaucoup plus robuste à l’enchérissement de l’énergie, aux variations du cours international des céréales, et dont on contrôle mieux la saisonnalité et la santé,
– la prise en compte du travail de l’agriculteur, et la recherche de la performance globale (économique, écologique et sociale) sur les exploitations, exprimées par des agriculteurs dont les propos donnaient envie.
– l’importance de changer de logiciel pour la formation, le soutien au métier (et notamment d’avoir une expertise sanitaire, vétérinaire et technique indépendante, non rémunérée sur des quantifiés vendues,
– l’impact positif de l’agroécologie sur les territoires et les habitants, mais également la nécessité de reconstruire la confiance par une dynamique collective où les ONG, les consommateurs / citoyens / contribuables, les agriculteurs et tous les acteurs de la filière doivent s’inscrire et cheminer ensemble,
– l’approche rapprochant agriculture, bien manger et santé évoquée par Stéphane Le Foll en conclusion.

             On aurait aimé entendre :

– le mot de bien-être animal, y compris de manière urgente par le respect par toute l’agriculture de la réglementation européenne (poulets en batterie notamment),
– la confirmation que ces propos volontaristes allaient être repris et traduits immédiatement dans la position française quant à la renégociation de la PAC, mais également en supprimant progressivement les subventions dommageables à la biodiversité,
– une démarche systémique associant agriculture, énergie, humain et territoire où l’éventuel recours à la méthanisation n’est qu’une étape vers une production conjointe de nourriture et d’énergie – non l’étape ultime mais l’une des premières permettant d’avoir la compétitivité de financer les suivantes,
– des investissements annoncés pour accélérer cette transition (qui ne demande pas, et ça a été souligné, de subvention “perfusion” en fonctionnement).
En synthèse…on a envie d’y croire, il faut y aller. Mais comment collectivement en faire une réalité ?
A petite échelle, Green Cross y travaille, pour donner à ces projets une incarnation, un prototype territorial, via notre projet transition porcine en Bretagne Nord (qualité de la viande, qualité de l’eau, respect de l’animal et des territoires)…on aurait tellement envie d’avoir les moyens d’aller beaucoup plus vite. On nous dit que 2013 sera le temps de la conception et de l’amplification ?
Chiche ?
Le temps presse, on peut y aller très maintenant. Investissons, fédérons, fonçons sur les territoires…vite, du concret !
A votre disposition pour répondre demain à vos questions sur le sujet, par email ou téléphone au 06 11 46 37 87

 Nicolas Imbert – directeur exécutif de Green Cross

Pour rappel, quelques propositions Green Cross quant à l’agriculture:

 Mettre en œuvre la transition écologique de l’agriculture sur les territoires

1. Encourager le développement de filières courtes durables valorisant les produits biologiques, locaux et de saisons, en orientant notamment la demande publique sur cette production (restauration scolaire…), en développant les circuits logistiques de distribution, et en instaurant un droit légal à l’expérimentation autorisant tout producteur à vendre directement au consommateur jusqu’à 40% de sa production,
2. Reconduire durablement (et non annuellement) le moratoire sur l’interdiction sur le sol français des OGM, y compris ceux autorisés à la culture en Europe (maïs Mon 810 et pomme de terre Amflora), et rendre obligatoire l’affichage des produits susceptibles de contenir des OGM dès le seuil détectable 0,1% d’OGM dans la composition du produit. Concernant les semences, obtenir un affichage 100% sans OGM et afficher le taux réel d’OGM dans les produits transformés.
3. Favoriser le maintien d’une biodiversité alimentaire et la préservation du droit de semer librement des semences potagères et céréalières de variété ancienne ou moderne libres de droits et reproductibles, en encourageant des acteurs économiques de taille très diverses à se développer sur ce secteur économique essentiel pour notre souveraineté alimentaire – « six sociétés concentrent 85% du marché mondial des céréales ; huit se partagent 60% des ventes mondiales du café ; trois détiennent 80% des ventes de cacao et trois se répartissent 80% du commerce des bananes »[1] ,
4. Donner la priorité au droit à l’alimentation, en mettant fin à la spéculation alimentaire et en réalignant les politiques concernant les agro carburants, afin de prévenir et gérer les conflits entre le droit à la nourriture et les besoins énergétiques.
[1] https://www.gresea.be/spip.php?article476

 Eco-concevoir, éco-produire, utiliser responsable

1. Réformer les écolabels afin d’en améliorer la lisibilité, et ajuster les frais de certification aux moyens des petites entreprises (PME ou TPE), en faisant notamment acquitter la redevance des écolabels par toutes les entreprises d’un secteur d’activité, non pas uniquement celles qui s’engagent dans cette démarche,
2. Développer l’affichage environnemental pour informer le consommateur quant à la composition des produits (éventuelles traces d’OGM, production biologique) mais aussi leur caractère recyclable ou biodégradable, et comment faire l’utilisation la plus durable du produit.

 Développer le secteur de la santé environnementale

1. Regrouper les organismes, instituts ou agence impliquées dans la santé environnementale en une agence du consommateur, présente aux niveaux national et régionaux, qui fera autorité sur toutes les thématiques de consommation et de santé environnementale
2. Faire de la santé publique un droit juridiquement opposable et développer des pôles de santé publique au sein du Ministère de la Justice,
3. Développer la recherche en santé environnementale par la création d’un Institut National de Recherche en Santé Environnementale et le développement d’outils pratiques, du type registres (par pathologies par exemple), et veille,
4. Favoriser l’information des citoyens sur les thèmes de la santé et de l’environnement, de manière participative et scientifiquement valide, pour organiser le débat démocratique autour des risques en matière de santé environnementale,
5. Reconnaître le droit à la formation à la santé environnementale pour tous les citoyens, et en faire progressivement une obligation pour les professionnels
 

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