Combien ça coûte ?

Combien ça coûte ?

Le débat fait rage dans les médias et entre les candidats concernant les différentes promesses électorales… ” combien ça coûte ? ” (Libération), ” La facture ” (Aujourd’hui en France), ” Le débat sur le coût des programmes devient crucial ” (Le Figaro) Au delà du chiffrage ( 30, 50, 70, x milliards d’euros), essayons d’abord de remettre un peu les choses à l’endroit à l’aide de quelques réflexions générales…
La première question à se poser est celle ci, issue de la définition (dictionnaire Hachette) d’un “coût” : “Le coût est le montant d’un transfert monétaire pour acquérir un bien ou un service…” … pour acquérir … eh oui ! l’Etat va t’il “acquérir” , dépenser pour lui, ou va t’il simplement procéder à un transfert de ses recettes (anciennes ou nouvelles), les taxes et impôts, vers des catégories de populations qui n’en bénéficiaient pas ou moins jusque là ?

La seconde question à se poser est ” où ira l’argent ensuite ” ? L’arrêt sur image est la pire erreur que l’on puisse faire : les dépenses/distributions de l’Etat ou d’organismes font les revenus des bénéficiaires, qui, sauf “évasion” vers des paradis fiscaux, permettent à leur tour des dépenses qui font fonctionner la machine économique et permettent en retour des taxes et impôts à cet Etat, en ayant créé de l’emploi au passage. Dis autrement, tout payement en échange d’un bien ou d’un service corresponds à un débit sur le compte de l’un des intervenants mais à un crédit sur le compte d’un autre … Donc il n’y a pas “d’évaporation” de la monnaie qui circuite d’un intervenant (acheteur) à l’autre (vendeur) lequel se retrouvera à son tour en position d’acheteur à un autre moment.
La troisième question est : quel est le “coût” d’un équipement collectif, commandé et financé par la nation et réalisé par les entreprises privées ( il n’est pas question que l’État soit plus qu’un “donneur d’ordre”, il n’a pas vocation à être lui même entrepreneur). Il est sans doute difficile d’admettre qu’un équipement collectif ne “coûte” rien à la collectivité, si ce n’est du “travail”. C’est pourtant la démonstration que j’ai apportée il y a quelques années [1] réactualisé dans un ouvrage plus récent [2] dans lequel, en prenant un certain nombre d’hypothèses simplificatrices, on s’aperçoit :
– Production = Travail + marges imbriquées
– Comme la NATURE ne se fait pas payer pour les matières premières qu’elle nous offre, toute production de matière première peut se résumer à du travail et des marges imbriquées, et une production ne “coûte” que des salaires, de la TVA et des cotisations de solidarité. …
… et j’avais pris l’exemple d’un investissement de 15 milliards d’€ (création d’un ferroutage dans la vallée du Rhône) pour démontrer :
– que les activités secondaires générées auraient eu un effet multiplicateur augmentant l’ensemble à 60 milliards d’€ ,
– que ces 60 milliards d’€ , pour une moyenne de salaire brut de 12 € de l’heure, représentaient 5 milliards d’heures de travail .. c’est bien ce qu’on cherche, de l’emploi, non ?
– que la “monnaie” injectée reviendrait intégralement à l’Etat en moins de 4 ans ( dont 75% la première année), et en plus la Nation aurait bien créé un “capital” (elle se serait “valorisée”)
Et on pourrait extrapoler ce raisonnement par exemple au logement . Mais qu’est ce qui empêche que chaque français ait un toit correct … ne savons-nous pas construire ? manquons-nous de matériaux ? n’avons–nous pas les entreprises, les”bras” et les équipements nécessaires ? les terrains manquent-ils ? Oui sans doute un peu à chacun de ces points de blocage ; il faut donc faire sauter ces verrous au maximum.
Car, si une collectivité a :
1 : un besoin,
2 : la volonté de le satisfaire,
3 : les moyens techniques et énergétiques,
4 : Un excès de main d’œuvre et le savoir-faire,
… pourquoi ne pourrait-elle réaliser ce besoin ? par faute de financement ? Oui, c’est ce que pense la majorité, car l’obstacle épistémologique est le suivant : La monnaie reste conçue comme une réalité matérielle (précieuse) de quantité finie donc rare et épuisable, alors qu’elle ne l’est plus puisqu’elle est dématérialisée et ne représente qu’une simple ligne d’écriture !
Il s’agit donc de changer de point de vue afin de pouvoir admettre que :
1 : Aucune loi physique ni divine n’empêche un Etat, une Banque Centrale ou de second rang de créer toute la monnaie nécessaire. Ne pas le faire est la conséquence d’actes volontaires, de lois humaines.
2 : Contrairement à l’ancienne prémisse (ressources rares), la nouvelle est : comment écouler nos surplus pour mieux satisfaire nos désirs et nos besoins dans le respect de l’écologie planétaire (abondance permise par le progrès technologique)
3 : La création monétaire peut être ajustée de telle manière à ce que l’ensemble du pouvoir d’achat soit équivalent à l’ensemble des productions susceptibles d’être vendues, et ceci en fonction de trois paramètres :
a) le potentiel de production
b) les désirs d’achat
c) les conséquences écologiques
Prenons un exemple que nous entendons tous les jours .. le “coût” de la santé. Sur ce sujet, pas une émission télé, pas une émission radio sans que de doctes économistes, sans que des hommes politiques nous rabattent les oreilles avec les ” déficits” de la sécurité sociale. Or ces soi-disant déficits n’ont aucun sens si ce n’est “comptable”. Ils ne sont générés que par le fait que la SS a un budget séparé du budget national (on ne parle pas de “déficit de l’armée”, ou du “déficit de la justice” par exemples), qu’on compare des recettes (qui sont adaptables) à des dépenses qui sont en fait un simple transfert d’un compte (celui de la SS) vers un autre compte (celui de la Nation), en créant, au passage, de la production et donc de l’emploi et participe au PIB.
Démonstration : Lorsque la SS paye un médicament ou une visite chez le médecin, que devient cet “argent” ? C’est quand on “suit” le circuit monétaire d’un achat ou d’une production qu’on s’aperçoit de l’aberration. Le prix (le “coût” pour le bilan comptable de la SS) et donc la monnaie payée au pharmacien ou au médecin va revenir dans le circuit économique général de la nation (fournisseurs et producteurs), participant au PIB (et aux taxes et impôts), ou en partie à l’épargne (qui est une dépense différée). Le “déficit de la SS” n’est rien d’autre qu’une différence comptable entre les entrées et les sorties.. mais il n’y a à aucun moment “évaporation” de la monnaie, donc “coût” réel.. Et c’est la raison pour laquelle il me semble complètement anormal que dans nos sociétés où il est possible de former le nombre de personnel soignant, médecins, spécialistes, chirurgiens et chirurgiens-dentistes suffisants pour soigner toute la population, l’ensemble de la santé ne soit pas pris en charge à 100% . Et je ne comprends pas quand je vois certaines personnes jeunes à qui il manque des dents, simplement parce qu’elles ne peuvent se payer les frais de parodontologie et de microchirurgie dentaire.
Bien évidemment on peut dire ” diminuons ce budget” ou le souhaiter : soit en diminuant les prestations, soit en faisant une meilleure médecine, mais de toute façon, un “coût”, tant qu’il ne s’agit pas d’exportation de monnaie, ne veut globalement rien dire … c’est toujours un “coût” pour quelqu’un (ou une structure), mais un “revenu” pour celui qui reçoit la monnaie équivalent à ce coût.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur les présentations du Budget de l’Etat des collectivités, et les “déficits” publics. Tant que la comptabilité publique ne disposera pas d’un compte de bilan faisant intervenir les amortissements des équipements publics et la valeur du “capital France” (combien “vaut” la France par rapport au déficit ? ), une comptabilité identique à celle que l’Etat lui-même impose aux entreprises, le calcul du “déficit” reste celui du simple calcul de recettes-dépenses d’un ménage. Ca ne veut rien dire au niveau d’un Etat puisque ne sont pas pris en compte les amortissements des équipements créés et qu’un État est “éternel” !
A propos de la dette de l’état Il devrait être évident pour chacun que le payement des intérêts de la dette de l’Etat n’est en fait qu’un transfert de monnaie d’une certaine partie de la population (celle qui paye des impôts et des taxes), cette monnaie qui “transite ” par l’administration pour être reversées aux prêteurs. La question est donc de savoir comment les prêteurs ont obtenu la monnaie qu’ils vont prêter à la collectivité .. Or, comme 85% à 90% de la monnaie en circulation est d’origine d’une création monétaire privée sous forme d’émissions de crédit par le système bancaire il est évident que la collectivité emprunte “in fine” aux banques privées. Comme il faut payer les intérêts à ce système bancaire et que la BCE n’émet pas de monnaie centrale non productive d’intérêts qui permettrait de se désendetter, la dette publique ne peut qu’augmenter. Mais c’est une dette “factice” puisque les intérêts (à défaut du capital) sont en grande partie versés à des résidents qui remettront cette monnaie en circulation au sein de la Nation.
Néanmoins, nous demandons que l’Etat dispose au moins des mêmes pouvoirs qu’une banque privée qui est en droit de créer la monnaie ex nihilo, à la différence que cette monnaie doit être “gratuite” (sans intérêt), pour tout ce qui est investissements sur le futur de la nation (équipements collectifs amortissables, éducation et recherche qui sont des investissements immatériels). La monnaie ainsi créée aura à se retrouver au bilan comptable de l’Etat, en regard de l’augmentation de la valeur réelle de la France. Ces intérêts payés ou les retraites versées (à part les transferts vers l’étranger, paradis fiscaux ou non, et l’épargne), seront réinjectés dans l’économie sous forme de dépenses, elles-mêmes productives de taxes, d’impôts et d’achats comptabilisés dans le PIB…
En conclusion de ces réflexions générales
Lorsque vous entendez parler de “coûts” souvenez-vous toujours qu’il s’agit d’un “arrêt sur image”, d’un état comptable à un moment donné. Demandez-vous toujours ce que deviendra ou deviendrait la monnaie qui corresponds à ce “coût” … où va t-elle ? QUAND VOUS ENTENDEZ “COUT”, PENSEZ ” TRANSFERT” ! Lorsque l’on essaye de vous faire peur avec des “déficits”, posez-vous toujours la question de savoir ce que sont devenus ces “déficits” … si par hasard ils ne sont pas partis dans une poche ou dans une autre, et s’ils reviendront ou non dans le circuit monétaire. Posez-vous surtout la question de savoir si, en regard, ils n’ont pas servi à créer une production socialement ou économiquement utile.
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Notes :
[1] Voir “Un regard citoyen sur l’économie”, pages : 117+
[2] “Les 10 plus gros mensonges sur l’économie”, écrit avec Philippe Derudder, ed Dangles
[3] Pour en savoir plus, voir le site Les Faux Monnayeurs https://www.fauxmonnayeurs.org

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