La charge de la dette nourrit la dette, par André-Jacques HOLBECQ

La charge de la dette nourrit la dette, par André-Jacques HOLBECQ, auteur de plusieurs livres, dont LA DETTE PUBLIQUE, UNE AFFAIRE RENTABLE, et ARGENT, DETTES ET BANQUES

Le 23 août 2010
Note de l’éditeur: des tableaux et graphiques ne pouvant pas être reproduits ici, un fichier les contenant est ajouté en fin d’article.
Explications préalables
Il y a quelques années j’avais demandé à l’INSEE de me fournir le montant exact et précis des intérêts payés chaque année au titre de la dette “au sens de Maastricht” pour l’ensemble des Administrations Publiques (les « APu » dans le jargon administratif … Leur réponse négative m’avait poussé à “reconstruire”  ] ces montants à partir des taux d’intérêts moyens fournis par la Banque de France appliqués sur les montants des dettes. La sortie récente du « RAPPORT SUR LA SITUATION DES FINANCES PUBLIQUES » (Paul CHAMPSAUR et Jean-Philippe COTIS )
( https://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/104000234/index.shtml ) m’avait donné espoir que ces données étaient maintenant disponibles car on y trouve le graphique 5 ci-dessous sur lequel est indiqué « source INSEE »
J’ai donc demandé dernièrement à nouveau à l’INSEE de me fournir ces informations. Malheureusement, voici leur réponse : «L’information recherchée (charge de la dette) ne correspond pas à un agrégat de la comptabilité nationale et ne figure donc pas dans les résultats publiés »
J’ai donc utilisé la méthode suivante pour déterminer le montant de la charge de la dette, en estimant que je pouvais faire confiance au rapport cité qui, dans le graphique N°5 (courbe rouge), nous indique la charge de la dette en part de PIB (attention les données vont de 1978 à 2008 et non de 1979 à 2009 comme dans « mes » calculs.
TABLEAU
Je précise que le rapport sus cité ne fait à aucun moment une différence en ce qui concerne le traitement de la charge de la dette (et donc des intérêts) entre les différentes administrations qui forment les APu.
Méthodologie
J’ai donc agrandi ce graphique, ce qui m’a permis de déterminer avec une précision suffisante les valeurs annuelles en pourcentage (valeurs que vous retrouvez dans la 3° colonne du tableau).
J’ai ensuite calculé la charge de la dette en euros courants (colonne 4) puis les données de l’INSEE (https://www.insee.fr/fr/themes/indicateur.asp?id=29&page=achatfranc.htm ) m’ont permis d’obtenir les coefficients de transformation euros courants en euros constants 2009 (colonne 5)
A partir de là le calcul des intérêts en euros 2009 (colonne 6) puis cumulés (colonne 7) puis le PIB en euros 2009 (col 8 , transcription de https://www.insee.fr/fr/indicateurs/cnat_annu/base_2000/principaux_resultats/xls/t_1105.xls ) et la dette cumulée
( https://www.insee.fr/fr/indicateur/cnat_annu/base_2000/secteurs_inst/xls/t_3341.xls ) en euros courants (col 9) puis en euros constants (col 10) et enfin en pourcentage de PIB, données que chacun peut d’ailleurs retrouver partout (col 11)
La variation annuelle de la dette (col 12) est une simple soustraction entre les données de la colonne 10, d’une année sur l’autre, et la variation annuelle de la dette telle qu’elle serait « sans intérêts » apparaît donc en colonne 13 (col 12 moins col 4). Le cumul de la dette sans intérêts (col 14) est donc la somme de la cellule de l’année précédente plus le montant de la cellule de la colonne 13.
La charge de la dette calculée sans intérêts en part de PIB (col 15) est le simple rapport colonne 10 divisé par colonne 8
Je rappelle que j’ai tenté ici de déterminer les évolutions de la dette des administrations publiques au sens de Maastricht si nous n’avions pas eu à payer d’intérêts sur la dette, tous autres éléments restant constant par ailleurs (en particulier la quantité totale de monnaie en circulation dans l’économie).
Au final même un cumul d’erreurs ne devrait pas faire varier les résultats des montants calculés sur ce document de plus de 2% .
Le résultat des calculs : tableau
Constatations :
Entre fin 1979 et fin 2009 (30 ans), les APu ont du financer les intérêts de leur dette à hauteur de 1342 milliards d’euros, soit en moyenne 44,7 milliards d’euros par an (un peu plus de 120 millions par jour).
Entre fin 1979 et fin 2009 la dette avec intérêts a augmenté de 1250 milliards d’euros (et 1077 à fin 2008), soit 41,6 milliards d’euros par an en moyenne, mais cependant presque 93 milliards de moins que les intérêts payés.
Malgré une année 2009 catastrophique en terme d’endettement (comme le seront également sans doute 2010 et 2011), la dette, calculée sans intérêts n’aurait augmenté que de 176 milliards d’euros entre fin 1979 et 2009 soit 5,7 milliards par an.
Si nous comparons avec l’année 2007, c’est de moins de 40 milliards d’euros que nous aurions vu augmenter cette dette, soit moins de 1,5 milliard par an.
On peut montrer sous forme de graphiques en valeur et en parts de PIB, peut-être plus parlant, l’évolution de la dette publique constatée et ce qu’elle serait devenue dans un système monétaire où la banque Centrale aurait pu monétiser directement les besoins de financement de l’État et des administrations publiques.
et en part de PIB: tableau
Il est intéressant de pouvoir visualiser année par année les capacités ou les besoins de financement des APu – avec et sans intérêts – sur ces années
La justification des promoteurs de l’article 25 de la loi de 1973 qui interdit à l’État de présenter ses propres effets à l’escompte de la Banque de France fut la suivante : «empêcher l’État d’utiliser la ‘planche à billet’ et par voie de conséquence de limiter l’inflation». Las, l’inflation fut très largement supérieure les 10 ans de 1973 à 1982, par rapport aux 10 ans qui précédèrent cette date, de 1962 à 1972 : 11,2% en moyenne au lieu de 4,4%
De plus, si la mesure avait été efficace, nous n’aurions évidemment pas de dette et ceux qui peuvent soutenir que la dette – à notre propre Banque Centrale – aurait été plus élevée si nous n’avions pas eu cette obligation de payer des intérêts aux détenteurs de monnaie n’ont évidemment aucun argument justificatif sérieux à faire valoir. La dette a bien évidemment été payée par une augmentation de la masse monétaire dans les mains des épargnants.
Il n’y a aucun doute que les intérêts payés sont la cause de l’augmentation de la dette et du niveau atteint actuellement, et s’il n’y avait pas eu d’intérêts à payer la dette publique aurait représenté fin 2009 quasiment le même pourcentage en part de PIB qu’en 1979, après un point bas à 14,3% en 2007.
Enfin, un autre argument est souvent cité : la monétisation de la dette publique induit ipso facto une augmentation de la masse monétaire et donc l’inflation. Bien que l’augmentation sur une période donnée de la masse monétaire ne soit pas la seule cause d’une éventuelle inflation, c’est envisager que la Banque Centrale serait incapable de limiter dans le même temps la création monétaire par le système bancaire commercial, ce que je n’ose croire.
Nous pouvons donc affirmer que c’est bien globalement le « service » de la dette qui a nourrit l’augmentation de celle-ci au long de ces 30 dernières années.
A l’heure où le gouvernement veut à tout prix faire des économies, économies qui de toute façon impacteront le pouvoir d’achat de ceux envers qui elles s’appliquent, la première des économies  serait de monétiser au minimum les intérêts de la dette publique, évitant ainsi à celle-ci de croître et d’imposer, par son effet boule de neige,  encore plus d’emprunts ou de sacrifices à la population dans les années futures.
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] Ces reconstructions ont été publiées depuis 5 ans dans différents articles internet, ainsi que dans les 3 livres suivants, en essayant, à chaque fois, d’augmenter la précision et la pertinence de ces calculs :
– les 10 plus gros mensonges sur l’économie
– la dette publique, une affaire rentable
– argent dettes et banques
Ce qui est étonnant c’est que les résultats que j’avais obtenu par cette méthode approximative ne sont pas très différents des résultats cités dans ce document.
FICHIER COMPLET CONTENANT LES TABLEAUX ET GRAPHIQUES: La charge de la dette nourrit la dette-YM

Pas de réponses

  1. A-J Holbecq dit :

    Un "tract" résumé sur une page est disponible sur ce lien: http://monnaie.wikispaces.com/file/view/tractdett

  2. Voir nouvel article…

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