LES ENTREPRISES DE SEMENCES VEULENT INTERDIRE LA SEMENCE DE FERME

LES ENTREPRISES DE SEMENCES VEULENT INTERDIRE LA SEMENCE DE FERME
Février 2007
Un rapport de GRAIN décrit un plaidoyer offensif de l’industrie mondiale des semences qui préconise que ce soit un délit pour un agriculteur de conserver ses semences afin de les cultiver l’année suivante. Ce dossier retrace les récents débats qui ont eu lieu au sein de l’industrie des semences et examine ce qui pourrait arriver si un droit de variété végétale devenait pratiquement indiscernable d’un brevet.
INFORMATIONS DE BASE
Les entreprises de semences ont déjà un soutien juridique fort de la part des gouvernements. Dans de nombreux pays, les lois sur les semences exigent des agriculteurs qu’ils n’utilisent que des semences certifiées de variétés approuvées par le gouvernement. Ces semences sont souvent uniquement disponibles auprès des entreprises commerciales de semences.
Un nombre de plus en plus grand de gouvernements accordent aussi des droits de monopole légaux pour les semences commerciales, au moyen de brevets industriels et d’une soi-disant « protection de variété végétale » (PVV). Jusqu’à une date récente, les deux systèmes, les brevets sur les plantes et la protection de la variété végétale, existaient seulement dans les pays développés. Cependant, depuis la création de l’Organisation Mondiale du commerce (OMC) en 1994, tous les gouvernements membres doivent produire une forme ou une autre de droit de monopole sur les semences.
 Il existe actuellement une pression énorme sur les pays en développement pour qu’ils adoptent les modèles des pays développés. Beaucoup ont été persuadés de rejoindre le système de protection des variétés végétales géré par l’UPOV (Union Internationale pour la protection des nouvelles variétés de plantes). Au cours des dix dernières années, l’UPOV a plus que doublé le nombre de ses membres. La plupart des nouveaux adhérents sont des pays en développement.
A l’origine, le système UPOV a été mis en place en 1961 en réponse au plaidoyer qu’exerçait l’industrie des semences depuis plusieurs années. Ce que souhaitaient réellement les entreprises c’était des brevets industriels sur les semences. Les brevets donnent un droit absolu de contrôler toutes les utilisations de la semence à la fois pour la culture, et pour de nouvelles sélections. Cependant, à cette époque, de nombreux gouvernements avaient le sentiment que les brevets octroieraient trop de pouvoir à l’industrie sur les agriculteurs. La protection des variétés végétales de l’UPOV a été créée comme compromis. Au début, elle donnait un monopole aux entreprises de semences seulement pour la multiplication commerciale et la vente sur le marché des semences. Les agriculteurs restaient libres de conserver la semence de leur propre récolte pour la semer l’année suivante, et les autres sélectionneurs étaient libres d’utiliser n’importe quelle variété, protégée ou non, pour mettre au point une nouvelle variété.
Au cours des années 80, le développement du génie génétique a attiré  vers la sélection des plantes de grandes entreprises transnationales du secteur de la pharmacie et de la chimie. Avec leur pouvoir de lobby beaucoup plus grand, elles ont commencé une nouvelle offensive pour renforcer leurs droits monopolistiques sur la sélection végétale dans les pays développés. Elles ont obtenu tout d’abord des brevets  industriels sur des sélections végétales obtenues par génie génétique et des techniques associées. Ce qui voulait dire en pratique qu’elles obtenaient le monopole absolu qui avait été refusé aux sélectionneurs conventionnels deux décennies plus tôt.
Deuxièmement, les droits de protection des variétés végétales de l’UPOV ont été élargis de manière radicale à toutes les variétés de plantes, génétiquement modifiées ou conventionnelles. Depuis 1991, le monopole par la protection des variétés végétales a été appliqué non seulement à la multiplication des semences, mais aussi à la récolte, et parfois même au produit final. Ce qui était auparavant un droit illimité pour les agriculteurs de conserver la semence pour la culture de l’année suivante a été changé en une exception facultative. Les semences de ferme peuvent encore être utilisées, seulement si le gouvernement le permet, et une redevance doit être payée à l’entreprise semencière même pour des semences obtenues à la ferme.
Troisièmement, ces droits de monopole beaucoup plus forts sont exigés pour adhérer à l’OMC comme cela a été décrit plus haut. C’est le point de départ du nouveau plaidoyer offensif  actuellement préparé par l’industrie mondiale des semences. Cette fois-ci, l’objectif est de supprimer les quelques différences encore existantes entre le système de PVV et les brevets, de manière à ce que les entreprises puissent avoir un monopole absolu sur les semences partout dans le monde quel que soit le système juridique utilisé, pour toutes les cultures et dans tous les pays.
LA VRAIE CIBLE- LES SEMENCES DE FERME
La semence de ferme sera la première cible de cette offensive. Au moins deux tiers de l’ensemble de la superficie cultivée mondialement sont plantés avec des semences de ferme chaque année. Dans de nombreux pays en développement cela représente 80 à 90% de toutes les semences utilisées, mais même dans les pays développés la proportion est souvent importante, de l’ordre de 30 à 60%. Si les agriculteurs devaient légalement être contraints de semer toutes ces surfaces avec des semences commerciales, cela reviendrait facilement  à doubler le chiffre d’affaire de l’industrie des semences, ce qui voudrait dire un supplément de 20 milliard de dollars chaque année, tout cela pris de la poche des agriculteurs et distribué aux grosses multinationales comme Dupont, Bayer, Syngenta et Monsanto. 
Une autre exigence importante de l’industrie sera de restreindre ou d’éliminer le droit d’utiliser les variétés protégées par PVV pour la sélection- une autre différence majeure entre le système UPOV et celui des brevets. Le but est tout simplement de bloquer la concurrence. Si personne n’est autorisé à améliorer une variété avant la fin de la période de protection – soit 20 ans ou plus – l’entreprise semencière pourra vendre la variété non améliorée pendant une période plus longue et reportera le coût d’une nouvelle recherche. L’effet net attendu : l’augmentation des profits pour le propriétaire de la PVV, des prix de semences plus hauts, et moins de nouvelles variétés disponibles pour les agriculteurs.
L’industrie des semences à toutes les bonnes raisons d’avoir peur de la concurrence des semences de ferme et des sélectionneurs indépendants plus innovants. Des agriculteurs individuels peuvent même souvent égaler ou surpasser les performances de variétés commerciales avec une simple sélection à la ferme. Avec des droits de monopole toujours plus forts et une consolidation toujours plus grande entre un petit nombre de conglomérats géants, les entreprises de semences produisent de moins en moins de produits de qualité pour les agriculteurs. Les grands progrès sur les rendements et les résistances ont été faits au début du 20ème siècle, avant que les droits de monopole n’existent pour les semences. Et ces améliorations provenaient pour la plupart de sélections et croisements des meilleures variétés issues des milliers de variétés paysannes développées à travers les siècles, en dehors de toute recherche financée par l’industrie.
L’échec de la sélection commerciale des plantes laisse l’agriculture mondiale mal préparée aux défis d’un avenir proche, comme celui du changement climatique et la nécessité de nous passer de la dépendance vis à vis de l’énergie fossile. Il est temps maintenant de faire reculer les privilèges monopolistiques de l’industrie des semences, et non de les renforcer davantage.https://www.grain.org/nfg/?id=471
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GRAIN, La fin des semences de ferme? Ce que souhaite l’industrie pour la prochaine révision de l’UPOV, Rapport de GRAIN, février 2007, https://www.grain.org/briefings/?id=203, disponible en PDF et HTML. Aussi disponible en anglais, et bientôt en espagnol.
Les options d’abonnement:
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