Sauvons les éditions MASSOT !

Chèr.e.s tou.te.s, je vous transfère l’appel de détresse d’un confrère, Florent MASSOT, que j’estime beaucoup et dont la situation me semble emblématique, sinon prémonitoire de ce qui attend plusieurs autres éditeurs.

Je mets en exergue ce passage qui me semble très important  :

Aujourd’hui, alors que les lecteurs sont eux-mêmes de plus en plus précaires, les seuls qui peuvent continuer leur route sont les grands groupes d’éditions soutenus par des industriels ou des oligarques pour qui l’édition est un outil pour exercer leur pouvoir dans le monde. De nombreux éditeurs indépendants vont suivre et déposer eux-mêmes le bilan parce que MASSOT éditions n’est pas la seule maison à rencontrer ce problème systémique que le capitalisme et l’ultralibéralisme ont enfanté. Dans ce système où l’on ne prête qu’aux riches, le succès appelle le succès. Les auteurs qui marchent, atteignent des niveaux de vente inimaginables il y a vingt ans. C’est le principe de l’ultra best-sellerisation, moins d’élus mais plus de richesse pour ceux qui y parviennent. Cela me fait penser aux milliardaires, aux blockbusters du cinéma, aux démesures des salaires dans le sport. L’inégalité est partout et je me demande pourquoi les journalistes qui ont des revenus eux-mêmes aussi précaires choisissent trop souvent le côté de ces prédateurs.

En effet, nous sommes peut-être à un point de non-retour entre un monde encore plus financiarisé et réservé aux grosses structures, un monde orwellien, ou, si une prise de conscience assez puissante apparaît dans le public et chez les libraires, au maintien d’une diversité éditoriale, au bénéfice de tous, dans un monde ouvert. Lien pour la campagne de financement.

C’est un immense enjeu, et plus nous réagirons rapidement et puissamment, plus nous aurons une chance de préserver nos valeurs.

Bel été à vous,                  Yves MICHEL

Communiqué : Aujourd’hui, MASSOT éditions a besoin de 100 000 € pour poursuivre son activité.
En effet, comme beaucoup de créatifs culturels indépendants, il est très difficile de maintenir notre liberté d’actions et j’en appelle à votre solidarité pour nous aider à poursuivre dans cette voie d’indépendance que j’ai démarré il y a presque 40 ans.

Du premier journal sur le graffiti 1.TOX, aux premiers livres de Virginie Despentes ou de Miss Tic, aux nombreux livres de Emma dont la fameuse charge mentale, presque un millier de livres au total.

Sans votre aide, ce sont des dizaines et des dizaines de livres qui n’existeront pas. 80% de notre catalogue est composé de premières créations. Sauver MASSOT éditions c’est aussi contribuer à la diffusion de pensées iconoclastes et participer à aider tout les acteurs indépendants de la chaîne du livre : auteurs, maquettistes, illustrateurs, correcteurs, éditeurs, traducteurs, imprimeurs, libraires…

Fin juillet, d’ici une poignée de jours, la maison MASSOT éditions que j’ai créée en 2016 va fermer.

On dit qu’un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle, que dire d’une maison d’éditions de ses centaines de livres publiées, de ses auteurs amputés de leur espace d’expression et de diffusion, de centaines de collaborateurs, maquettistes, correcteurs, traducteurs, éditeurs laissés en plan.Ce n’est pas faute d’avoir essayé d’autres voies comme le financement participatif, d’avoir demandé le soutien des libraires en visitant plus de 80 librairies françaises, ce n’est pas faute d’avoir cherché du capital auprès de riches particuliers pour qui soutenir une maison d’éditions comme la nôtre ne représenterait pas plus d’une journée de dividende.

Depuis deux ans, le stress dans lequel nous nous sommes retrouvés a fait que nombres de salariés et de collaborateurs ont préféré et je les comprends, partir travailler pour de grands groupes. Nous avons fermé nos bureaux à Paris. J’ai rendu mon appartement parisien dont je ne pouvais plus payer le loyer. J’ai tout mis dans un box, quittant Paris je navigue d’appartement en appartement qu’on me prête ou me loue. Je me souviens du 31 mars 2022. Dans le cadre de la soirée de lancement d’un livre que nous avons publié qui faisait le portrait d’une quinzaine de personnes qui racontait leur dépossession, je me souviens avoir pris le micro et dit que je sentais que moi l’éditeur de ce livre j’aurais pu en être le seizième portrait.

Comment en est-on arrivé là ? J’ai commencé l’édition en 1983, cela fait 39 ans. J’ai publié des milliers de livres dont certains j’en suis sûre ont eu un impact, une influence sur notre société. Je me souviens de la quatrième de couverture de La Vie secrète des arbres de Peter Wohlleben : “Votre promenade dans les bois ne sera plus jamais la même”. Des avants et après, il y en a eu beaucoup. Ces expressions du quotidien issues de mes livres comme le terme “Bobo” que j’ai introduit en France en 2000 ou le terme “Charge mentale” popularisé par Emma dans ses BD en 2017 et qui a fait le tour du monde, ou encore “les Sans-dents” dans le livre Merci pour ce moment de Valérie Trierweiler qui révélait en 2014 une certaine idée du socialisme de François Hollande. J’ai traversé des périodes difficiles, des trahisons me menant à déposer le bilan à deux reprises déjà. Je me suis fait déposséder d’entreprises. J’avais même perdu l’usage de mon nom pendant quelques années mais jamais je n’ai senti un tel dysfonctionnement de ma profession, une telle impossibilité à continuer en indépendant.

Le modèle de l’édition a toujours été basé sur un livre à succès qui en finance plusieurs autres déficitaires. Mais comment faire un succès si personne n’est au courant des livres que vous publiez ? Pendant toutes ces années, j’ai toujours eu accès aux médias. Je me souviens des nombreux passages de mes auteurs à Nulle part ailleurs sur Canal+ boostant les ventes par milliers ou encore les nombreuses unes du journal Le Monde ou de Libération mais depuis ces dernières années, je compte les passages TV et Radio de mes auteurs sur les doigts de la main. Certains livres qui devraient faire la une de toute la presse n’ont eu qu’un seul droit de cité, un seul média pour des années de travail. Je pense à Jeux de Guerre de Marc Eichinger sur les dessous du Qatar et à beaucoup d’autres. Alors si nous ne pouvons rentabiliser nos livres par l’achat de ses lecteurs, si nous ne pouvons compter sur des mécènes si nous ne pouvons compter sur des instances comme le Centre National du Livre qui redistribue la quasi-totalité des aides à beaucoup plus gros que nous, sur quoi compter? Je ne suis pas né fortuné mais je me souviens qu’en 1994, Paul Otchakovsky-Laurens m’avait dit : “si vous n’avez pas de fortune personnelle, vous ne pourrez pas tenir”. J’ai tenu 39 ans en acceptant les revers, les moments de précarités et en savourant les succès.

Aujourd’hui, alors que les lecteurs sont eux-mêmes de plus en plus précaires, les seuls qui peuvent continuer leur route sont les grands groupes d’éditions soutenus par des industriels ou des oligarques pour qui l’édition est un outil pour exercer leur pouvoir dans le monde. De nombreux éditeurs indépendants vont suivre et déposer eux-même le bilan parce que MASSOT éditions n’est pas la seule maison à rencontrer ce problème systémique que le capitalisme et l’ultralibéralisme ont enfanté. Dans ce système où l’on ne prête qu’aux riches, le succès appelle le succès. Les auteurs qui marchent, atteignent des niveaux de vente inimaginables il y a vingt ans. C’est le principe de l’ultra best-sellerisation, moins d’élus mais plus de richesse pour ceux qui y parviennent. Cela me fait penser aux milliardaires, aux blockbusters du cinéma, aux démesures des salaires dans le sport. L’inégalité est partout et je me demande pourquoi les journalistes qui ont des revenus eux-même aussi précaires choisissent trop souvent le côté de ces prédateurs.

Oui, le monde de l’édition doit opérer sa mue comme dans plein d’autres secteurs si il veut retrouver sa liberté de ton, d’impertinence et une certaine vision du monde souhaité. Chaque livre est une graine qui peut mettre du temps à donner ses fruits mais nous n’avons plus le temps. Un livre doit marcher en quinze jours voire une semaine comme au cinéma, un film doit marcher dès sa première séance. Une campagne participative doit marcher dès le premier jour, encore une fois on ne prête qu’au riche. Notre campagne a atteint 10% en 21 jours, 10% de l’objectif pour pouvoir poursuivre notre activité de manière indépendante. Se faire racheter par un grand groupe ? Cela va à contre sens de la création de MASSOT éditions, espace ouvert aux refusés des grandes maisons d’éditions, aux parias d’une certaine bourgeoisie entre-soi qui osent mettre le doigt là où ça fait mal. Alors que j’ai sorti Baise-moi de Virginie Despentes en 1994, le livre a mis un an avant de trouver son public. Je pense à tous les Baise-moi qui sortent aujourd’hui et qui sont mort-nés faute de leur laisser du temps.

Je pense aux libraires, comment arriveront-ils à garder leur côté prescripteur ? Ne sont-ils pourtant pas le dernier rempart vers un choix non standardisé, non imposé par ce système de plus en plus concentré dans les mains de quelques milliardaires, par exemple, le rachat de Lagardère par Vivendi. Comment faire dans ce monde où le consommateur culturel prend de plus en plus goût à la gratuité, face à l’inflation des matières premières et la concurrence montante du livre numérique? Certes la faiblesse des coûts de fabrication d’un e-book permet un prix de vente plus adapté ou une forme de liberté avec l’auto-édition mais à la fois si fragile vue l’omniprésence des gaffams et de leurs algorithmes, les possibilités de contrôle par les états et les flux de diffusion.

J’ai deux regrets par rapport à la situation. Le premier c’est que des auteurs, correcteurs, maquettistes, collaborateurs risquent de ne pas être réglés de leurs travaux mais ne possédant aucun bien et m’étant endetté pour de nombreuses années à venir je ne peux plus faire face. Mon deuxième regret est qu’une maison d’éditions est un toit sous lequel peuvent se retrouver des auteurs aux horizons différents mais qui se rendent compte en se côtoyant qu’ils ont beaucoup plus en commun qu’ils ne pouvaient penser. Je continuerai peut-être à emmener des livres dans certaines maisons d’éditions mais je sais que je perdrai cette vision à 360° qui permettait de réunir au sein d’une même maison des mutants et des militants.

J’ai un souvenir ému de la rencontre entre Priscillia Ludoski initriatrice du Mouvement des Gilets jaunes et Marie Toussaint jeune députée européenne, Europe Ecologie Les Verts et qui a donné Ensemble Nous demandons justice. J’ai un souvenir ému de la rencontre de jeunes youtubeurs avec le Dalaï-Lama que nous avions organisé avec Sofia Stril-Rever et qui a donné le livre Faites la révolution! J’ai un souvenir ému, le jour où Emma blogueuse a sorti son premier livre Un Autre regard. Ce jour-là, j’avais organisé une signature dans le café en bas de chez moi et nous avons vendu plus de cent trente livres. Je revois la file d’attente sur le trottoir avec une moyenne d’âge de moins de trente ans. J’ai un souvenir ému quand Zainab Fasiki a reçu son prix de bande dessinée à Angoulême pour Hshouma. Elle qui a bravé tous les dangers dans son pays, le Maroc. J’ai un souvenir ému quand avec Arthur H nous avons rendu hommage et lu des poèmes de Jim Morrison à La Machine du Moulin Rouge et bien sûr plein d’autres moments et livres qui j’espère resteront dans vos bibliothèques. J’ai une pensée toute particulière pour les derniers livres sortis qui n’auront peut-être pas la durée de vie qu’ils méritent. Je parlerai juste du dernier livre sans doute de MASSOT éditions Guadeloupe une île sans eau, enquête sur un effondrement de Thierry Gadault et Marc Laimé. Un livre si important pour la Guadeloupe et qui n’aura peut-être qu’un mois de vie.

Malgré les 10% d’objectifs de la campagne, nous avons fait déjà un tellement beau chemin ! Pour conclure me revient cette phrase : “Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait”. Une petite voix y croit encore et c’est pour cela que je vous met le lien de la campagne aussi absurde que cela puisse paraître car les 100% sont encore possible tant que nous ne sommes pas le 31 juillet.

A quoi servira la collecte :

Pour continuer l’aventure, nous avons besoins d’au moins 100 000 €.
Depuis la précédente campagne, nous n’avons pas réussi à remonter la pente et malgré un allègement important des dépenses et charges de l’entreprise, nous avons toujours besoin de fonds pour régler certaines dettes restantes et permettre aux nouveaux projets de sortir dans les meilleures conditions.

Depuis 2016, la maison MASSOT éditions a édité une centaine de livres distribués par INTERFORUM et plusieurs beaux projets sont en cours dont OUVERT LA NUIT une collection de bandes dessinées engagées et MASSOT publishing, une collection anglophone qui sera distribuée par INGRAM. Nous travaillons à un nouveau modèle économique et éditorial avec lequel nos lecteurs, nos auteurs et toute la chaîne du livre seront pris en considération.

Amitiés, Florent Massot

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