Lettre de Bernard MARRIS aux gourous de l’économie

Raconte-moi la Terre…

Si tu demandes à la fourmi de te raconter la Terre, elle te dira qu’elle est immense et que tout est obstacle…

Si tu demandes à l’aigle de te raconter la Terre, il te dira qu’elle est limitée, que les grands espaces font partie du Ciel et non de la Terre…

Si tu demandes à un cheval sauvage de te raconter la Terre, il te dira sa joie d’y galoper en toute liberté …

Si tu demandes à un cheval de labour de te raconter la Terre, il te dira sa peine d’y œuvrer en esclave…

Si tu demandes à un cheval de cirque de te raconter la Terre, il te dira son ignorance, puisque de la Terre il ne voit que des sourires d’ enfants …

Suivant que l’humain est fourmi, aigle, cheval sauvage, de labour ou de cirque, suivant sa nature, son éducation ou son “dressage”, il possède un point de vue sur les êtres et les choses qui correspond à son vécu, mais non au réel des êtres et des choses.

Il propose une réalité qui passe par le filtre de son expérience; elle n’est ni vraie ni fausse, elle est parcellaire..

Qui prétend voir le réel, connaître la vérité, se ferme les portes du savoir et repousse les cœurs par son intolérance.

Tel est le conte qui pourrait précéder la lettre de Bernard Maris (l’économiste de Charlie , tout en étant au conseil scientifique d’ATTAC et au conseil général de la Banque de France, partisan du revenu d’existence)  pour faire comprendre (ce que les neuro-sciences nous font comprendre de plus en plus) que :
nous pensons ce que nous voyons ! Propos déjà d’actualité pour Albert Einstein qui disait “que nous ne pouvons resoudre nos problemes avec les modes de pensées qui les ont engendré” .

Le mérite de oncle Bernard est d’avoir (avec d’autres) défriché les “architectures invisibles” ou les “imaginaires ou mémoires  inconscientes”  qui permettent aux prêtres des trois religions monothéiques ou aux prêtres du “monothéisme de Marché” appelé aussi ” Religion de la croissance” (à la recherche de l’accumulation du temps par la productivité et l’interet de l’argent, me disait Bernard)  pour repousser la mort et gagner la vie eternelle…  de basculer d’une recherche de sagesse à l’enfermement dans des dogmes qui imposés aux autres deviennent des inquisitions !
Les mots pour dirent le réel, deviennent symboles , puis slogans enfermant, dit Boris Cstephayrulnik… au point de pouvoir tuer son prochain au nom de l’amour de Dieu !
Il en sait quelque chose oncle Bernard en 2015 qui a rejoint la lumière , en 2003 il disait déjà cela :
BernardMaris

“Les théoriciens de l’économie industrielle sont une secte, dont l’obscurantisme et le fanatisme donnent froid dans le dos.”

Lettre ouverte de Bernard Maris aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles
Bernard Maris (23/9/46 – 7/1/2015), l’économiste en chef de Charlie Hebdo, à l’humour digne de cette joyeuse maison, prof d’économie rêvé, fait partie des tristes victimes des attentats du 7 janvier. Ses compétences, ses responsabilités dans la vie civile (membre du conseil scientifique d’Attac et membre du conseil général de la Banque de France), n’avaient d’égales que la singularité absolue de ses positions dans le monde uniforme et puissant des économistes : partisan de l’instauration d’un revenu d’existence universel, il militait dernièrement pour la sortie de l’euro et l’effacement d’une partie de la dette privée et publique. Journaliste, professeur, esprit curieux et ouvert, Bernard Maris était une personnalité à part, un style en soi, brillant et mordant, comme dans cette Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles. Extraits en guise d’hommage épistolaire.
2003
L’économie est un anesthésique du même tabac que le latin à l’église, et sans doute l’économie a t’elle beaucoup gagné là où la religion a beaucoup perdu. Il y a un côté transique dans la prière commune, que l’on retrouve dans l’incantation économique à la Confiance chantée en canon dans toutes les réunions, du G7 ou d’ailleurs.
N’importe quel esprit un peu ouvert comprenait que le communisme était une « perversion de la rédemption des humbles », une hérésie religieuse, mais une religion tout de même. Point n’est besoin d’être grand clerc pour voir dans l’économie orthodoxe, la loi de l’offre et de la demande et le libéralisme idéalisé une utopie, comme le communisme, et comme lui une religion avec ses fidèles, ses papes, ses inquisiteurs, ses sectes, son rituel, son latin (les maths), ses défroqués, et peut être un jour, rêvons, son Pascal et son Chateaubriand.
La « main invisible », ruse hégélienne de la raison, raison dominant la raison des hommes, est un avatar du Saint -Esprit. Idem le marché (son autre nom) omnipotent, omniprésent et ubiquitaire, être de raison supérieure, substance immanente et principe des êtres – « vous n’êtes qu’un raisonnement coût-bénéfices » — cause transcendante créant le monde, et qui a tous les attributs de la divinité, y compris le destin : personne ne peut échapper au marché. Il existait avant vous et existera après. Dès lors il est impossible de penser l’après-économie. Voilà pourquoi la fin de l’histoire, la new economics (la fin des cycles, vieille resucée libéralisée des croyances en la croissance optimale en vigueur dans l’après-guerre) sont indissociables du libéralisme. La fin de l’histoire arrange bigrement ceux qui ont le pouvoir. La fin de l’histoire, c’est bien si je suis en haut. L’éternité du marché, qui justifie la domination de quelques dizaines de milliardaires dont la fortune équivaut au PIB cumulé des cinquante pays les plus pauvres, ressortit au principe du droit divin. Le droit du marché est le droit du plus fort. Les dictateurs ont toujours cherché à justifier démocratiquement, par 98% de oui, leur place.
Si l’économie est une religion, ce que pensent, finalement, beaucoup d’économistes ayant pignon sur colloque ou place dans les conseils du Prince (« L’économie politique est la religion de notre temps », Serge Latouche : « L’économie politique est la religion du capitalisme », Michel Aglietta et André Orléan), indiscutablement le marché, sa divinité, a une certaine allure : la Raison, le Progrès, le Bonheur, la Démocratie et autres candidats fort acceptables à l’essence éternelle sont tous contenus en lui.
Les problèmes des religions c’est qu’elles engendrent les fanatismes, les sectes (on disait, à juste titre, dans les salons de Louis XV, la « secte des physiocrates », personnages qui se signalaient par leur arrogance et la complexité de leurs discours), les héterodoxies, les papes, les gourous, l’École de Chicago est une secte, bornée à bouffer du foin, mais dangereuse et convaincante comme toutes les sectes. Les libertariens sont une secte, à peine plus sectaire que la précédente. Les chartistes sont une secte. La société du Mont-Pèlerin est une secte avec ses rites et ses cravates ornées du visage d’un douanier. Les micro-économistes sont une secte. Les théoriciens de l’économie industrielle sont une secte, dont l’obscurantisme et le fanatisme donnent froid dans le dos. Il n’est pas difficile de repérer le taliban sous l’expert, et le fou de Dieu sous le fou de l’incitation.
Il y a aussi une manière rigoriste ou désinvolte de pratiquer, en trompant son monde et allant à la confesse. Il y a les prêcheurs et les convertis. Les libéraux les plus fanatiques viennent souvent du marxisme, c’est-à-dire ont changé simplement de religion. On voit des abbés de cour, des Trissotin, des pères Duval ou des abbés Dubois, des Talleyrand qui clopinent et des chanteurs en grégorien, des beautés et bontés du marché. Mais le problème de la religion est qu’il est extrêmement difficile, lorsqu’on en a été nourri, de penser hors d’elle. […]
Au fait, les économistes… De quoi parlez-vous ? Savez-vous que lorsqu’on a compris que la « science » économique était une religion, l’économie devient passionnante ? On peut l’aborder sous l’angle de la mathématique pure — rien n’est plus respectable que le plaisir pur du chercheur, détaché des contingences mercantiles, qui produit ses théorèmes de mathématique, mais qu’il ne les baptise lois économiques, par pitié ! Sous l’angle de l’histoire des faits, de la pensée, de la philosophie économique, de la comptabilité, de la statistique descriptive… De la rhétorique — comme il est amusant, alors, d’observer les travaux de couture des uns et des autres pour emmailloter plus ou moins habilement dans de la « science » leur idéologie !
La Révolution avait coupé le cordon religieux. C’est une nouvelle ère qui s’ouvre, avec la coupure du cordon de la religion économique.
Alors, les économistes… De quoi parlez-vous ? Du Saint-Esprit ou de la valeur ?

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