Pour un état d’urgence démocratique, par Ben CRAMER

Un article par Ben CRAMER sur son site ATHENA21.org; Ben CRAMER est l’auteur de GUERRE ET PAIX… ET ECOLOGIE paru en 2015.

Guerre et paix… et écologie

chouettanimOn s’accordera pour dire qu’une société qui ‘tient la route’ doit éviter de détru­ire de l’intérieur (chez nous) ce que ses sup­port­ers (pas for­cé­ment les plus représen­tat­ifs) s’efforcent de défendre vis-​à-​vis de l’extérieur. Un vieux dilemme d’une brûlante actu­al­ité : la guerre ….à quel prix ? Et qui paie l’ardoise ? Et com­ment ?
La défense peut être con­sid­érée comme un bien pub­lic dont la respon­s­abil­ité relève à la fois des forces armées et de la société civile. Cette société civile, qu’on voudrait museler en flir­tant dan­gereuse­ment avec la logique du Patriot Act, pour­rait inve­stir son énergie (tout à fait renou­ve­lable) pour mieux gérer le cli­mat socio-​politique d’un peu­ple qui a été ébranlé un cer­tain ven­dredi 13 novembre.

Civiliser la défense

logo tousensemble 150x218Emet­tre la moin­dre cri­tique à l’encontre de notre dis­posi­tif sécu­ri­taire est désor­mais aussi sus­pect que de s’afficher climato-​sceptique. Depuis que des bar­bares (pour qui le pou­voir est au bout des cein­tures explo­sives) ont démon­tré leur déter­mi­na­tion à noyer dans le sang des ama­teurs de stades, bars, restau­rants, con­certs et salles de spec­ta­cle, l’antimilitarisme a perdu quelques plumes. Ce n’est pas dom­mage, c’est dra­ma­tique car il a fallu atten­dre le milieu du XIXème siè­cle pour que cette inter­ro­ga­tion sur la guerre et la paix (autre­fois le fait de quelques intel­los isolés ou égarés) devi­enne une réflex­ion col­lec­tive. (…) . Les paci­fistes post-​13 novem­bre pour­raient brandir des pan­neaux style ‘pas d’amalgame’, mais à l’heure où les forces de l’ordre procè­dent au tri sélec­tif des man­i­fes­tants opposés à l’insécurité cli­ma­tique, nul ne man­i­feste dans nos rues pour réclamer l’inversion de la courbe des ventes d’armes, la réduc­tion du nom­bre d’ogives, la diminu­tion de la vitesse des missiles…Il n’empêche, il est temps de penser et décliner la sécu­rité autrement.
Civiliser la défense est une option, non pas parce que les civils sont mieux armés que d’autres, mais parce que ces civils, assez naïfs pour avoir occulté les enjeux polé­mologiques de la COP21, dés­ap­pro­priés de leurs moyens de défense depuis l’avènement de la ‘force de frappe’ (qui a détourné le citoyen d’un cer­tain esprit de résis­tance et atom­isé la classe ouvrière), ont peut-​être quelque chose à pro­poser ; dont une riposte flex­i­ble qui s’impose quand tout ‘se joue’ sur plusieurs fronts.

Défendre la démoc­ra­tie en démoc­ra­ti­sant la défense

Le com­merce (non taxé) d’avions de com­bat ou/​et le trans­fert tech­nologique (illé­gal) de sous-​marins ne prof­i­tent pas au plus grand nom­bre. Ces trans­ac­tions por­tent atteinte à la sécu­rité économique et sociale des plus néces­si­teux. Ainsi, l’hypothèse selon laque­lle nos excé­dents en matière d’exportations d’armes sur cer­tains ‘théâtres d’opération’ (sic) n’ont aucune inci­dence sur ce qui se passe ici est plutôt dis­cutable, con­testable. Et si l’on se réfère aux pro­pos de Barak Obama comme quoi ‘l’un de nos enne­mis est le cynisme’, on peut se deman­der si les opéra­tions menées au nom du peu­ple français sous cer­taines lat­i­tudes sont for­cé­ment asso­ciées à la défense de principes démoc­ra­tiques. En don­nant la parole à la fois à ceux qui pol­lu­ent trop et ceux qui voudraient pol­luer davan­tage, on voit bien ce qui se cache der­rière les dérè­gle­ments cli­ma­tiques. Entre les lignes. Y a donc à matière à s’affranchir des vérités qui dérangent. Y a de quoi en France nouer un dia­logue avec les neu­tres de notre con­ti­nent même s’ils sont som­més, la crise ukraini­enne aidant, de rejoin­dre l’OTAN (un club qui totalise 60 % des dépenses mon­di­ales d’armement) pour redessiner une carte post-​Yalta. Ceci per­me­t­tra de rap­peler que l’UE aligne avec ses 28 armées la 2ème plus grosse armée du monde, juste après celle de la Chine. Une belle façon de s’en pren­dre à cette pol­lu­tion men­tale qui con­siste à croire et faire croire que la sécu­rité se mesure en nom­bre d’uniformes, en tonnes de muni­tions et en tonnes de C02 pour nos pro­jec­tions de forces. Avec les men­aces ter­ror­istes sur le tableau de bord, lais­sons tomber les mau­vaises fréquen­ta­tions et les alliances de cir­con­stance dont l’Empire du chaos s’est fait une spé­cial­ité durant 40 ans.
Les tragédies que Paris vient d’endurer sont l’occasion de revoir ou réviser à la baisse nos pré­ten­tions nucléaires mil­i­taires. Parce que sans vouloir con­damner au chô­mage nos sci­en­tifiques et saper le moral des tra­vailleurs des arse­naux, nos SNLE et nos Rafale ne dis­suadent pas grand monde…Le com­plexe militaro-​industriel pour­rait essuyer quelques larmes en cas d’abandon, mais la nos­tal­gie peut con­soler : l’aventure qui fut menée dans le plus grand secret durant les années 50, si elle était à renou­veler, serait qua­si­ment impos­si­ble aujourd’hui.
Pour garan­tir une sécu­rité humaine qui intè­gre toutes les dimen­sions des insécu­rités, la COP21 représente un sacré atout. Certes, elle ne va pas ‘sauver le monde’, mais c’est tout de même l’un des rares forums où fait sens la cor­réla­tion entre l’insécurité énergé­tique, sociale, ali­men­taire et les autres formes d’insécurité.
Puisque la COP21 per­met à cer­tains de clamer que nos exis­tences sont en dan­ger, qu’il faudrait mener plusieurs guer­res au nom de la sécu­rité, que la jeunesse mérite un avenir, inutile de revenir sur les bien­faits ou méfaits du ser­vice mil­i­taire. Son aban­don fut une déci­sion aussi absurde que celle qui con­sis­terait à renon­cer demain aux Restaus du Cœur en rai­son d’une crois­sance de la mal­nu­tri­tion dans le pays. Mais c’est le moment de relancer une idée qui traîne dans les car­tons de la République, celle d’un ser­vice civique pour la jeunesse applic­a­ble à tous et à toutes.
OSONS NHSi les élus voulaient bien se soucier davan­tage des enjeux de guerre et de paix, sans atten­dre les déci­sions du min­istère de l’enseignement, ou des inspecteurs d’académie, les notions de défense/​protection de tout un cha­cun pour­raient être insérées dans les manuels sco­laires, y com­pris dans ces petits bouquins d’instruction civique de 3ème et de 4ème dans lesquels ne fig­ure rien aujourd’hui con­cer­nant la ‘paix’ et ‘désarme­ment’ ; rien sur l’histoire de la non-​violence ou encore les noms de la dizaine de Français qui se sont vus remet­tre le Prix Nobel de la Paix.
Que des dis­posi­tifs anti-​terroristes vien­nent grig­noter les pri­or­ités rel­a­tives à la sécu­rité cli­ma­tique est mal­venu. Ceci ne doit pas nous empêcher de voir que la paix et la sécu­rité sont la trame des négo­ci­a­tions cli­ma­tiques de la COP21. C’est au con­traire l’occasion de mieux nous éveiller à l’interaction entre mil­i­tari­sa­tion et idéolo­gie sécu­ri­taire. Après tout, le dérè­gle­ment cli­ma­tique, intime­ment lié à nos modes de pro­duc­tion et de con­som­ma­tion, est aussi lié à nos modes de destruction.

B.C.

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