Et si on versait au maximum le revenu de base en monnaie citoyenne locale ?

Dans le prolongement des deux livres que nous venons de publier sur le revenu de base,

découvrez cette proposition de Frédéric BOSQUE, auteur chez nos éditions.

Revenu de base (Le) : un outil pour construire le XXIe siècleRevenu de base (Le) : comment le financerMonnaies citoyennes (Les)

Le revenu d’autonomie,  une expérience sur 10 ans

Dans la lignée de l’expérimentation d’Otjivero[1], l’association Tera[2], avec ses volontaires et ses partenaires,  ont lancé depuis 2 ans un projet sur 10 ans qui vise à construire une Ecovillage expérimental.

Sa finalité sera de relocaliser 85% de la production vitale à ses habitants, d’abaisser son empreinte écologique à moins d’une planète, de valoriser cette production en monnaie citoyenne locale et d’émettre cette monnaie via un revenu d’autonomie d’un euro supérieur au seuil de pauvreté.

Chaque mois, Il sera versé à tous les habitants, indépendamment de leur temps passé à réaliser la production qu’il permettra d’acheter.

Au cœur du sud-ouest, dans une zone rurale à revitaliser,  sur une commune de moins de 200 habitants, sur 12 hectares de forêt et de terres agricoles, se construit sur 20 mois le patrimoine de communs productifs capables, en optimisant au maximum l’usage des ressources naturelles, d’assurer chaque mois les effets d’usages vitaux à ses habitants qui pourront alors y accéder grâce à ce revenu d’autonomie.

Un conseil scientifique et technique mesurera ses effets sur l’émancipation des habitants et de la contribution effective de leurs activités devenues choisies au développement soutenable et au renforcement de la cohésion sociale de leur territoire de vie. Si au bout de trois ans d’expérimentation, les objectifs initiaux sont atteints, un centre de formation en participation libre et conscience sera créé et toutes les technologies, méthodes et informations issues de cette expérience seront seront mis à disposition gracieusement sous licence libre.

Définition & précisions

 Qu’est-ce qu’une monnaie citoyenne locale (MCL) ?

Une monnaie citoyenne est un moyen d’échange à forte valeur écologique et sociale. Elle privilégie sa circulation entre acteurs proches de sa source d’émission.

Les MCL sont convertibles entre elles,  via une unité de compte commune, afin d’étendre leur circulation à ce que l’on nomme un « territoire de valeurs » et à leurs acteurs toujours respectueux des humains et de la nature.

Entrer dans ce « territoire de valeurs » signifie pour un acteur d’être agréé par un conseil représentant toutes les parties prenantes de ce territoire.

Cet agrément sera fondé sur une démarche de progrès de ses membres vers des pratiques toujours plus respectueuses des humains et de la nature[3].

 Un revenu de base en MCL, quels enjeux ?

Si, pour le secteur marchand,  les MCL sont contre – garantie par un dépôt en euros sur un compte épargne éthique, afin de respecter le code monétaire et financier, d’autres, pour le secteur non marchand,  utilisent le temps ou d’autres unités de valorisation de leurs échanges.

Les MCL tendent à vouloir réconcilier ces deux formes d’activité. Chaque acteur peut alors valoriser ce qui compte le plus pour lui.

Verser un revenu de base au maximum en MCL, est un moyen de réunir ces deux formes d’activité en supprimant tout rapport de soumission de l’une à l’autre.

Afin de simplifier cet article,  nous parlerons de revenu d’autonomie (R.A.)[4] quand un revenu de base sera versé au maximum en MCL.

Un revenu d’autonomie,  pour une transition écologique, sociale, économique et financière

Au-delà d’un revenu de base versé en euro, quel sont les autres facteurs d’émancipation d’un revenu d’autonomie?

Parce qu’il va au bout de la déconnection du revenu de base de la participation directe de son bénéficiaire à une production vendue en EURO sur un marché qui en est la contrepartie,  le revenu d’autonomie favorisent 5 nouveaux facteurs d’émancipation :

  1. Il favorise une production qui satisfait prioritairement les besoins vitaux de ses bénéficiaires et cela durablement car les acteurs pouvant recevoir cette MCL sont agréés pour leur pratique visant le respect des humains & de la nature
  2. Il favorise des circuits courts qui commencent dans la maison de celui qui fait le choix de l’autoproduction tout en étendant ce choix de proche en proche à d’autres acteurs aux activités marchandes ou non s’il ne peut ou ne veut satisfaire ses besoins par lui même
  3. Il introduit à nouveau dans les moyens d’échanges la comptabilisation de valeurs qui sont celles de ceux qui les utilisent et réduit voire supprime celles imposées par un seul modèle économiques ; Parmi d’autres valeurs, citons celles des enjeux sociaux et écologiques de notre temps.
  4. En fournissant un revenu stable, il assure aux habitants d’un territoire de vie leurs choix de vie. il affecte aux parties prenantes de ce territoire (collectivités, associations, entreprises) des ressources nouvelles et par suite les moyens suffisants pour investir, au présent comme dans l’avenir, dans préservation de nos biens communs et l’extension de nos libertés individuelles.
  5. Il crée une gouvernance partagée de la M.C.L. vecteur de ce revenu de base, toutes les parties prenantes de ce territoire encadrent à nouveau la production, la distribution, les moyens d’échange et les revenus essentiels à l’émancipation de ses  habitants et à la préservation de leurs biens communs.

Un revenu d’autonomie,  Une action locale, simple et immédiate, un impact global, complexe et à long terme.

Comment un simple revenu d’autonomie peut-il influencer depuis nos territoires de vie un modèle macro-économique aussi puissant et complexe ?

Ce revenu de base versé au maximum en MCL va dynamiser prioritairement des échanges à fortes valeurs sociales et écologiques et des acteurs prioritairement locaux aux pratiques visant le respect des humains et de la nature.

Le revenu d’autonomie va régénérer les composantes de base de notre république qui sont comme les cellules et les organes de base de notre corps social à savoir : les citoyens bien sûr mais aussi leurs collectivités, leurs entreprises et leurs libres associations.

C’est parce qu’elles seront en capacité de reprendre un développement soutenable et renforcer leur cohésion sociale que ces composantes vont ensuite accomplir progressivement une transition écologique, sociale, économique et financière et rendre finalement pour d’autres « désirable ce qui est nécessaire».

Finalement, un revenu d’autonomie ne met il pas fin à l’inconditionnalité, principe cardinal du revenu de base ?

Si nous y regardons de plus prés, à quoi s’adresse l’inconditionnalité ? Elle s’adresse à sa distribution et non à la production des biens, des services et des informations qui garantissent ce revenu.

Imaginons qu’il n’y ait plus de production, que feriez-vous d’un revenu de base versé inconditionnellement en euro ? RIEN, car la monnaie ne se mange pas !

Comme le revenu de base, le revenu d’autonomie pose la conditionnalité des volumes de production mais lui interroge aussi leur mode de production, leurs réseaux de distribution, leurs moyens d’échange et le type de revenus qu’il permet.

Il va jusqu’à interroger les modes de gouvernance qui conditionnent eux fortement ce que l’on va pouvoir se procurer avec son revenu de base, mais non, il ne touche pas à l’inconditionnalité de sa distribution.

Le revenu d’autonomie semble être un projet de société plutôt qu’un nouveau droit comme le revenu de base ?

Oui, on peut le voir comme un projet de société. Mais le revenu de base, à vouloir être un nouveau droit, n’exige-t-il pas dès sa racine une nouvelle société pour instaurer ce nouveau droit ? Le nouveau droit de disposer de sa propre personne à l’époque de la monarchie, aurait il pu naître dans une société qui faisait de chacun de ses membres la propriété mobilière d’un seigneur ?

Un revenu de base inconditionnel peut il naître dans un monde où un citoyen est contraint  par « un chantage à la faim » à préférer un emploi subi qu’une activité choisie ? Bien sûr, il est possible et c’est le rôle du MFRB, de rendre par une loi constitutionnelle, ce nouveau droit effectif. Mais en attendant, qu’une large majorité soit mature pour le voter, il nous faudra l’expliquer, voire l’expérimenter et démontrer au-delà des discours et de leurs idéologies son pouvoir émancipateur pour toutes les parties prenantes de notre république.

Frédéric Bosqué, Co-fondateur
contact@tera.coop   www.tera.coop

[1]                        [1] Voir https://revenudebase.info/2012/06/02/quand-la-realite-devance-lutopie/

[2]                        [2] https://www.tera.coop

[3]                        [3] Voir les travaux de Patrick Viveret sur ce sujet et l’article que j’ai écris pour la fondation Jean  Jaurès https://minilien.fr/a0anwb

[4]                        [4] Voir les travaux de Jean Zin sur ce sujet et l’article de Jacques Mirenowicz, de la revue Durable, sur Tera, un projet expérimental autour du revenu d’autonomie : https://minilien.fr/a0anwc

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