Des parlementaires relancent le débat sur le revenu de base au Sénat: compte-rendu

À l’initiative du collectif Émergence, présidé par le sénateur socialiste Gaëtan Gorce, un colloque sur le revenu de base avait lieu mardi 19 mai dernier au Sénat avec pour thème : “Le revenu de base : un levier de transformation sociale pour l’économie de demain”, en partenariat avec le Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB).
Article co-rédigé par Camille Lambert, Pierre Lecomte et Stanislas Jourdan
C’est autour d’un programme dense qu’une centaine de personnes, parmi lesquelles des élus, journalistes, experts et militants du revenu de base se sont réunis le mardi 19 mai 2015 dans une salle du Sénat pour échanger sur le revenu de base.
Le Président du Collectif Émergence Gaëtan Gorce a introduit cette journée en insistant sur le besoin d’imaginer des solutions de ruptures par rapport au système actuel. Même s’il n’est pas encore personnellement convaincu de l’idée du revenu de base, il a souhaité organiser ce colloque pour permettre au débat d’exister. Le sénateur écologiste Jean Desessard s’est quant à lui réjoui de l’émergence du débat au sein du PS, soulignant que “le revenu de base doit dépasser le cadre d’un seul parti.

Le programme de la matinée visait essentiellement à dresser les constats des bouleversements de l’économie liés à l’automatisation et à la numérisation des emplois, à l’émergence de l’économie collaborative et aux métamorphoses du travail que ces tendances impliquent.
Romain Lucazeau, associé au Cabinet Roland Berger est revenu sur les résultats d’un rapport (pdf) concluant que 42% des métiers en France pourraient être automatisés à terme. En expliquant la méthodologie utilisée par son équipe, Lucazeau a expliqué de manière convaincante que la technologie pouvait se substituer à de nombreuses tâches, y compris intellectuelles et dans les métiers de service. En revanche, il a souligné que l’on ne peut pas véritablement estimer le volume des nouveaux emplois qui pourraient être créés, ni leur niveau de qualification ou leur localisation géographique.
Mehdi Benchoufi, président du Club Jade a quant à lui insisté sur une autre dimension de la destruction des emplois, plus spécifique aux algorithmes et à l’économie collaborative. En guise d’illustration, Benchoufi rappelle que les algorithmes du service Google Flu sont plus efficaces que tous les services de veille des autorités sanitaires pour détecter et analyser le développement d’épidémies. Ce qui signifie que tous les emplois liés au contrôle et à la supervision sont susceptibles d’être remplacés avantageusement par des algorithmes.
Enfin, l’économiste Jean-Marie Monnier, expert de la fiscalité, a poursuivi la discussion en démontrant la nécessité de repenser le système fiscal, qui est “hautement inadapté à la situation d’aujourd’hui ». Comme l’explique Monnier, avec le développement de l’économie numérique, les sources de création de valeur économique se sont déplacées si bien qu’elles échappent de plus en plus à l’impôt.
Monnier estime que « le travail des internautes est une rente pour les oligopoles du numérique » et mérite donc une rémunération par le revenu de base. Pour le financer, Monnier a insisté sur le fait qu’il “faut en finir avec la double non-imposition des GAFA » (Google, Apple, Facebook et Amazon) et développer un nouvel arsenal fiscal permettant de prélever l’impôt là où la valeur économique se crée, par exemple sur l’exploitation des données personnelles.

Métamorphoses du travail et de la production de richesses

Le second panel de la journée visait à analyser les métamorphoses du travail et de la production de richesses. Dans une présentation vidéo, Michel Bauwens (P2P Foundation) présente le nouveau paradigme économique, social et politique lié à l’essor de l’économie collaborative, de l’économie du partage. Cette production “de pair à pair” est un mode de création et de diffusion de valeur où des personnes contribuent à un commun ouvert (connaissance ouverte, logiciel libre, design partagé). Si les contributeurs produisent des communs libres de droit, certaines entreprises parviennent toutefois à tirer de la valeur ajoutée de ce commun. Les contributeurs des communs qui ne sont pas rémunérés doivent quant à eux choisir entre vivre dans la précarité ou chercher à privatiser le commun. Bauwens explique donc qu’il faudrait trouver des formes de rémunération qui favorisent le commun entièrement libre.
Olivier Landau (membre du collectif Ars Industrialis) a développé une réflexion sur l’implication des technologies dans la relation au travail et à l’emploi, à partir d’un historique lié aux différentes innovations technologiques. En mettant en évidence la montée en puissance du travail gratuit du consommateur (lorsque le travailleur devient le client d’une plateforme comme pour Airbnb ou Uber, lorsqu’il participe à un forum de service après vente, dans les futures imprimantes 3D…), il affirme que le numérique induit un modèle économique qui repose sur un système où l’utilisateur a une véritable place de producteur de valeurs. Or la valeur que le consommateur produit est très largement captée par la plateforme support (Google, Facebook, Amazon, Airbnb, Uber…). Ainsi, pour rémunérer le travail émergent du consommateur-producteur, un revenu contributif – ou un revenu de base en première étape – pourrait s’avérer essentiel.
Le professeur de sociologie Patrick Cingolani a ensuite livré une réflexion sur “les nouvelles figures du travail” sur la base d’une enquête menée auprès d’une centaine de travailleurs des industries culturelles. Selon les résultats de cette enquête, on observe une dilution de la différenciation entre le professionnel et le privé, une porosité entre l’activité et le travail, une tension des nouveaux travailleurs entre autonomie et instabilité, le développement d’une forme de “domestication du travail”… Mais cette nouvelle autonomie provoque des tensions par le caractère profondément individualisant de ces nouvelles formes de travail, ce qui implique l’isolement (difficulté à sortir de l’univers domestique par exemple), l’insécurité financière et parfois même l’oppression (burn-out, absence de régulation collective…).
Dans ce contexte, le revenu de base “permettrait d’assurer la continuité du revenu dans la discontinuité du travail” et d’éviter des situations de chantage à la misère.
Pour clôturer le dernier panel de la matinée, Geneviève Bouché (Club JADE et Société Française de Prospective) a évoqué la nécessité de nourrir le terreau de l’économie contributive. En précisant que le système actuel sait récompenser les tâches productives mais pas les tâches contributives, elle a insisté sur le besoin de souplesse et de mobilité des individus afin de pouvoir faire émerger leurs talents et leur potentiel créatif. L’une des méthodes pour “enraciner les talents” pourrait être le revenu de base, outil qui permet de surcroît un meilleur respect des temps de la vie et des innovations de chacun.

Inconditionnalité du revenu de base et intégration par le travail

Après avoir vu dans la matinée que le travail ne se limite plus au cadre restreint de l’emploi, l’objectif du premier panel de l’après-midi était de montrer que, malgré tout, le revenu de base ne s’oppose pas à l’emploi.
Pour le montrer, Patrick Valentin (ATD Quart-Monde) a présenté le programme de “Territoires zéro chômeur”, qui consiste à créer des entreprises dont la mission est de mettre les compétences des personnes qui se sentent privées d’emploi au service de tâches utiles identifiées collectivement par les habitants sur ce territoire.
Selon Patrick Valentin, les constats et objectifs de ce programme sont similaires à l’origine du revenu de base : libérer les chômeurs de la trappe à pauvreté, améliorer les conditions des travailleurs via l’accroissement du pouvoir de négociation, encourager le travail indépendant et libérer les femmes au foyer.

“Aujourd’hui, l’emploi est beaucoup plus que l’emploi : les gens ressentent la privation d’emploi comme une exclusion, un rejet. Cette privation est dans notre pays un boulevard de la pauvreté, voire de la misère.”

En conclusion, Patrick Valentin a affirmé : “Nous pensons que le droit à l’emploi et le revenu de base sont deux propositions à la fois souhaitables et cohérentes : le revenu de base est axé sur la notion de revenu avec ce qui en découle, nous nous axons sur la notion de société. L’emploi, c’est faire société, c’est être avec les autres. (…) La dignité, pour les gens les plus démunis et les plus exclus, c’est de pouvoir recevoir de la reconnaissance envers leur travail. Ça on en a besoin, même avec le revenu de base.”
Gaspard Koenig, philosophe et président du think-tank Generation Libre, a poursuivi en présentant l’analyse du penseur libéral Michel Foucault sur le revenu de base, telle que présentée par Milton Friedman dans “Capitalisme et liberté”. Selon Foucault, “l’argument du revenu de base c’est l’idée d’une politique sociale dont les effets seraient entièrement neutralisés du point de vue économique. L’Etat apporte un filet de sécurité mais n’interfère pas avec l’économie, (…) sans investigation bureaucratique, policière, inquisitoire”.
Selon Koenig, les résultats des expérimentations de revenu de base en Inde font la démonstration de cette vision.

“En renonçant au plein emploi on renonce au contrôle disciplinaire”

Koenig a profité de son intervention pour annoncer en exclusivité les résultats d’un sondage (pdf) commandité par son think tank Génération Libre, dans lequel 60% de personnes ont répondu positivement à la question : “Êtes-vous favorable à la mise en place d’un revenu de base garanti à tous les citoyens qui se substituerait à la plupart des allocations existantes?”. Le sondage permet de montrer que l’idée trouve un écho dans la population, et ce dans tous les bords politiques et auprès de toutes les catégories sociales.
Chantal Euzéby (Professeure émérite d’économie à l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble) a ensuite insisté sur les avantages d’un revenu de base tout en pointant du doigt les limites (comment fusionner les caisses de sécurité sociale, quid des emplois administratifs…) et la question épineuse du montant et du financement.

Pour Chantal Euzéby, “il faut repenser la protection sociale dans une logique d’investissement social” et se diriger de façon graduelle vers un revenu de base, en bâtissant un socle de droits sociaux minimaux, accompagnés d’un vecteur-clé : l’investissement dans la formation initiale et tout au long de la vie.” Introduire des prestations minimales, individuelles, non soumises à des conditions de ressources : par exemple pour la couverture santé, les allocations familiales ou l’instauration d’une pension minimale en matière de retraite, comme dans les pays scandinaves.
Ces prestations doivent relever de la solidarité collective, c’est-à-dire de l’impôt. Elles ne doivent pas, toutefois, être au détriment des prestations d’assurance (retraites, couverture santé liée à la profession, chômage).
En ce sens, la création du “compte social universel” annoncé par le gouvernement est une bonne première étape.
A notre époque, où l’on est amené à avoir des carrières discontinues ou à passer d’un emploi à un autre en connaissant des périodes de chômage, il faut faciliter les transitions pour passer d’un statut à un autre.
Philippe Van Parijs, fondateur du BIEN, le réseau mondial pour le revenu de base, a ensuite expliqué cette “surprenante alliance entre le revenu de base et l’éthique du travail” en affirmant que l’importance du travail n’est pas un argument contre le revenu de base. Le revenu de base permet en effet de résoudre deux problèmes :

  1. le piège de la pauvreté : les chômeurs qui parviennent à trouver un emploi perdent les aides qu’ils touchaient auparavant ; ceux qui travaillent à temps partiel gagnent moins qu’en ne travaillant pas du tout. Ce premier problème pourrait être corrigé par l’impôt négatif.
  2. le piège de l’incertitude : la prise en compte des nouveaux revenus peut nécessiter des délais administratifs qui peuvent être cruciaux pour les ménages dont l’équilibre économique est très fragile. Ces délais conduisent les allocataires à avoir une perception très négative de leur sécurité économique et à refuser de prendre des risques (cf Thomas Piketty, Fondation Saint-Simon).

“Dès le moment que l’on considère qu’il est important de lutter contre la pauvreté, il importe de le faire de la manière la plus universelle possible, car si on donne un socle plutôt qu’un filet, cela permet de réduire la trappe du chômage à la fois liée à l’absence de différentiel de revenu et à l’incertitude.”

Ce qui est fondamental, c’est bien la conjonction de l’inconditionnalité par rapport aux ressources (l’universalité) et de l’inconditionnalité par rapport à la disposition à travailler : chômeur volontaire ou involontaire, travailleur à temps plein ou à temps partiel, tout le monde le reçoit. Si le revenu n’était qu’universel (c’est-à-dire sans condition de ressources), cela risquerait de devenir une recette pour l’exploitation. En effet, les moins aisés seraient obligés de travailler sous peine de perdre toute allocation, et cela donnerait un pouvoir de négociation très fort aux employeurs.
A l’inverse, s’il était inconditionnel mais limité aux plus pauvres, alors cela deviendrait une recette pour l’exclusion. En effet, sans revenu socle permettant d’accéder à un emploi suffisamment attrayant, les personnes les moins favorisées socialement n’auraient pas les moyens de sortir de leur situation et devraient se contenter de leur allocation.

Comment financer un revenu de base dès maintenant ?

Dans cette table ronde, Marc de Basquiat, président de l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence et membre du MFRB, a tout d’abord insisté sur l’extrême complexité du système de redistribution français et sur ses échecs à plusieurs niveaux :

  • Inégalités face à la familialisation selon les ressources : il est fiscalement très avantageux pour les personnes les plus aisées de se mettre en couple (réduction d’impôts), alors que c’est désavantageux pour les plus démunis (les bénéficiaires du RSA voient leurs allocations diminuer).
  • Inégalités dans les aides socio-fiscales pour les enfants : le cumul des allocations familiales et de la réduction d’impôt associée au quotient familial varie beaucoup suivant le rang de l’enfant et les revenus des parents.
  • Les jeunes de moins de 25 ans n’ont pas droit au RSA.
  • La procédure de demande du RSA est particulièrement intrusive dans la vie privée (il faut indiquer, par exemple, la date de rupture de la vie en concubinage).

Pour parer à ces failles, Marc de Basquiat propose de mettre en place un revenu de base de 450 euros par adulte et 225 euros par enfant, tout en conservant les assurances sociales (cotisations pour la retraite, chômage, maladie, maternité) ainsi que les prestations sociales ciblées (handicap, accès au logement).
Pour Baptiste Mylondo (enseignant en économie et philosophie politique à l’IEP de Lyon et l’Ecole Centrale – Paris), “le financement du revenu de base n’est pas seulement une question technique mais avant tout une question politique.”
Il considère le montant de 450 euros comme insuffisant pour sortir de la pauvreté (50-60% du revenu médian), pour mener une vie décente (accès aux biens et services essentiels pour échapper à l’exclusion), pour se passer durablement d’un emploi et donc pour pouvoir négocier ses conditions d’embauche.
Mylondo préconise donc un revenu inconditionnel d’environ 1000 euros et estime que cela est possible, compte-tenu de la “richesse à l’excès” de la France qui dispose “à l’évidence des moyens pour préserver tous ses habitants de la pauvreté”.
Ce n’est donc qu’une question de richesse : il est mathématiquement possible – dans n’importe quelle société – de financer un revenu de base à 50% du revenu médian. En France, le revenu médian est de 1720 euros par mois et par personne ; il est donc forcément possible, selon Mylondo, de garantir à tous 1000 euros par mois, sans organiser des coupes budgétaires majeures.
La question du financement est ainsi “un faux problème” selon l’enseignant, mais qui pose de vraies questions dans les options de financement. Ainsi, il lui semble essentiel de dissocier les mesures transitoires (telles que la taxe Tobin) des mécanismes pérennes de financement d’un revenu de base. Quant aux assurances sociales (santé, retraites, chômage), il considère qu’il ne faut pas y toucher. Les prestations de solidarité ont quant à elles vocation à être fusionnées avec le revenu de base – tant que cela reste avantageux pour les bénéficiaires.
Mylondo propose donc d’utiliser l’impôt sur le revenu progressif et une taxe sur le patrimoine pour financer le revenu de base, dans le cadre d’une politique de revenu plus large permettant de diminuer les inégalités. Le revenu maximum est donc pour lui inséparable du revenu garanti : “pour s’assurer que tout le monde ait assez, il faut s’assurer que personne n’ait trop.”
Enfin, Mylondo a mis l’accent sur la nécessité de “voir le revenu inconditionnel comme un revenu primaire venant reconnaître la contribution de tous à la création de richesses et venant encourager et permettre la poursuite de celle-ci.” Il faut donc parler de “partage” plus que de “financement”.
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Jean-Eric Hyafil (Université Paris I, MFRB) a ensuite présenté une approche de financement d’un revenu de base par la taxe sur la consommation. Pour Hyafil, le point de départ est le constat de  l’automatisation du travail et le fait qu’elle devrait conduire vers un “déversement” de travail des activités automatisables vers des activités non automatisables.
Or, en conséquence de l’automatisation, toutes les activités intenses en travail voient leur coût de production – et donc leur prix – augmenter plus vite que les autres biens de consommation, ce qui conduit aux situations absurdes comme celle où acheter une voiture neuve coûte de moins en moins cher tandis que la faire réparer coûte de plus en plus cher. Ce phénomène porte le nom de loi de Baumol, du nom de l’économiste qui l’avait mis en évidence en 1966 pour le secteur du spectacle vivant.

Comment pourrait-on inverser cette dynamique ? Et si l’on avait reversé les gains de productivités par un revenu de base ? Hyafil propose donc une approche de financement de revenu de base basée sur la TVA, qui remplacerait le RSA et les subventions à l’emploi et serait inclus comme une première tranche de salaire, ce qui se traduit par une diminution du salaire horaire.
Le coût net de cette mesure, une fois déduit le budget des prestations remplacées (RSA prime pour l’emploi, bourses étudiantes) et des politiques de l’emploi supprimées (exonérations Fillon, CICE), serait de 63 milliards d’euros, ce qui pourrait être couvert par une augmentation des recettes de TVA d’environ 40%.
L’avantage de cette formule est de réduire les coûts de production des services non-automatisables, de favoriser le développement des services exonérés de TVA (l’accueil de jeunes enfants, les maisons de retraite, les services de santé et les services du care en général, l’éducation et la formation professionnelle…) tandis que les biens et services dont la production est automatisée voient leur prix à la consommation augmenter du fait de la hausse de TVA. Quant aux travailleurs au SMIC, ils seraient gagnants car la trappe à bas salaire liée aux “exonérations Fillon” serait supprimée. En outre, cette proposition encourage les employés à réduire leur temps de travail salarié, ce qui favorise une meilleure répartition des emplois.

Quels progrès sous le quinquennat Hollande ?

Animé par Marc de Basquiat (président de AIRE et membre fondateur du MFRB), le dernier panel de l’après-midi visait à répondre à une curieuse question : les réformes sous le quinquennat Hollande font-elles un pas vers le revenu de base ?
Les panélistes ont particulièrement passé en revue les dernières mesure du gouvernement, la baisse du plafond du quotient familial ainsi que la mise sous condition de ressources des allocations familiales, ainsi que les promesses récentes du gouvernement : la Prime d’Activité et le Compte Personnel d’Activité.
Marc de Basquiat s’est d’abord attaché à souligner les points positifs de la prime d’activité, qui constitue une ouverture aux jeunes de moins de 25 ans et enfin un abandon de la guerre aux indus. En revanche, la prime d’activité n’est pas individuelle et demeure un dispositif très complexe. De même, le compte personnel d’activité annoncé récemment permettra à chacun de consulter sur internet l’ensemble des droits sociaux acquis, et de rendre ces droits transférables et non plus attachés à une entreprise en particulier.
“Il y a un effort du gouvernement actuel pour aller vers des dispositifs qui progressent vers quelque chose de plus universel,  plus lisible et plus individuel”, a résumé Marc de Basquiat.
Alain Trannoy (professeur à l’EHESS, École des Hautes Études en Sciences Sociales) a également tenu une analyse volontairement optimiste, en développant la thèse paradoxale selon laquelle à partir de réformes purement techniques (telles que le plafonnement du quotient familial couplé à la modulation des allocations familiales), les aides sociales et fiscales distribuées aux enfants sont de plus en plus uniformes suivant le revenu. Même si l’aide reste double (allocation familiale et quotient conjugal), on se rapproche d’un montant forfaitaire par enfant. “Il n’y a pas eu de grande réforme fiscale mais, malgré tout, la politique choisie est une étape qui rendra plus facile à long terme l’adoption du revenu de base”, résume Trannoy.
Un constat globalement partagé par Yannick L’Horty, professeur d’économie à l’Université Paris-Est, qui a présenté une analyse détaillée de la prime d’activité, mesure actuellement en débat à l’Assemblée Nationale. Pour L’Horty, la prime d’activité est la dernière mesure d’une longue série de mesures cohérentes depuis 20 ans, compte-tenu de leur objectif de promouvoir l’emploi et de lutter contre la pauvreté.
Malgré tout, L’Horty regrette l’empilement des aides (80 dispositifs pour l’emploi, 151 prestations sociales) qui rendent le système très complexe et l’absence de pas vers l’individualisation des aides permettant d’allier simplicité, efficacité et équité. Pour finir, L’Horty a signalé un paradoxe dans les propositions de revenu de base, certaines constituant un changement très radical alors que d’autres sont au contraire très modestes sur le plan de la redistribution.
Ainsi s’achevait cette intense journée, dont on peut retenir que si le consensus sur la façon d’envisager la mise en place d’un revenu de base en France n’est pas encore clair, tous les participants semblaient partager les constats qui mènent au revenu de base : la nécessité de repenser l’emploi, la production de richesse, la protection sociale à l’ère de l’automatisation et de l’économie numérique. Dans ce contexte, le revenu de base doit s’imposer comme l’une des pistes sérieuses de réflexion et être débattu. Encore fallait-il que ce débat dépasse la bulle de ceux qui en sont déjà convaincus. En tenant ce colloque au cœur des institutions de la République, une étape vient d’être franchie.
Retrouvez toutes les vidéos des interventions de la journée sur notre chaine Youtube.

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