Le débat sur le "revenu d'existence", par François PLASSARD

Le débat sur le “revenu d’existence”( partie prenante de l’appel de Roosevelt ), pour préférer le scénario de “l’improbable, mais possible métamorphose au probable effondrement”? nous dit Edgar Morin et Hessel , a franchi une nouvelle étape depuis les rencontres réussies du 13,14 Avril à Toulouse. Appel Mermoz pour un referendum européen sur le RIE.
L’excellent film allemand ” Revenu de base ”  traduit en français par nos amis suisses est immédiatement visible sur internet par google.
Ci dessous deux exemples de petites nouvelles réalistes, histoire d’algues (2 pages) et coopérative d’habitat (4p), pour vous donner envie de faire mieux ! Car sans débat citoyen conséquent, le Politique, prisonnier de la finance qu’il a déjà sauvé une fois , ne pourra pas choisir son camp !
cordialement, François Plassard fplassar@gmail.com  Auteur de La Vie Rurale, enjeu écologique et de société

Histoire d’algues, histoire de métamorphose …grâce à un revenu de vie ?

Quand le phénomène de la malagre en méditerranée , nous apprend à sortir des cycles « croissance -effondrements » qui caractérisent notre aventure humaine encore adolescente !
Il était une fois dans un étang de la méditerranée une population d’algues qui vivait en bonne entente, tels des cousins de la même famille que les scientifiques appellent «  les Macrophytes » .
On savait même que ces algues participaient à la nourriture et à l’habitat des poissons, lesquels participaient par leur excréments à la nourriture des petits coquillages, minuscules crevettes, lesquels participaient à la nourriture des oiseaux …Une telle interdépendance réalisait sous le soleil de la méditerranée, à la frontière de la terre et de la mer, le miracle d’une explosion de Vie.
Comment ne pas être sensible, voire ému par tant de diversité !
Hélas dans les étangs fermés à la mer, comme par exemple les anciennes salines au bord des quelles je prend mon café tous les matins, il se passe chaque printemps un phénomène étrange !
L’algue verte (chlorophyte) prend le dessus sur sa cousine l’algue rouge (rhodophyte) et sa cousine l’algue brune (chromophyte). Cette algue verte transforme mieux que les autres l’énergie gratuite  du soleil pour satisfaire son besoin de croissance de 3% par jour ! Tous les vingt jours grâce à cette croissance quotidienne de 3%, l’algue verte double sa surface d’étalement à la surface de l’eau au détriment de ses cousines. Quand, en plus, elle se nourrit des nitrates de l’agriculture pétrolière c’est pire encore ! Les chercheurs observent mieux. Pour croître encore plus vite, cette algue abandonne sa fonction de reproduction sexuée qui la rendait interdépendante de toute la chaine alimentaire, pour revenir à sa fonction ancestrale de reproduction « asexuée ». Ainsi elle peut satisfaire toujours plus vite encore son désir d’algue verte de s’accaparer l’énergie gratuite du soleil !
A la fin du mois d’Août, l’algue verte a éliminée toutes ses cousines. Elle a créé un écran total sur l’étang, empêchant l’accès à la lumière de toutes les autres formes de vie reléguées dans l’ombre!
Début Septembre c’est le CRACK, les algues vertes meurent en masse, accaparant par leur décomposition tout l’oxygène dissous nécessaire  à la survie des animaux marins!
En méditerranée ce désastre annuel régulier de la nature en milieu fermé s’appelle « la Malagre » !
Quand en écoutant la radio chaque matin en prenant mon café au bord de la saline, j’entends tous les journalistes et commentateurs, de quelque bord qu’ils soient, espérer un retour de 3% de croissance par an pour nos économies de marché.
Quand ils argumentent la nécessite de cette croissance pour un retour vers le plein emploi (même après purge de la dette ?),
quand ils plaident de retrouver le chemin de la méritocratie du travail qui permettrait, pensent -ils, de remettre en service  « l’ascenseur social »… , je ne peux m’empêcher de faire un parallèle entre la conquête de la saline par les algues vertes  et le système d’accumulation du capitalisme de marché devenu notre grammaire et vocabulaire pour nous les humains !
Si les algues vertes doublent leur surface au soleil tous les 20 jours avec une croissance de 3% par jour, la malagre en quelques mois pourrait -elle correspondre à un effondrement de notre capitalisme de marché à 3% de croissance par an tous les 80 ans environ ?
En dégustant mon café, je ne peux m’empêcher de comparer l’énergie du soleil nécessaire à l’algue verte, à l’énergie qu’est la « monnaie crédit » créée par nos banques centrales pour irriguer le corps social en donnant un revenu au travail et au capital, Ce couple en tension capital-travail, jamais réconcilié (à l’exception des trentes glorieuses), n’est-il pas au dire des economistes le moteur de notre accumulation qui leur permet de transformer la gratuité en marchandise ?.
Je ne peux m’empêcher de comprendre que si les banques privées sont les relais des banques centrales pour alimenter en monnaie crédit toute la dynamique économique, elles peuvent aussi se prendre peut être pour des algues vertes !
Ces banques privées peuvent, pour satisfaire leur exigence (génétique?) de croissance à au moins 3% par an, retrouver elles aussi le chemin (regressif ?) de la reproduction asexuée ! Ainsi en engendrant de l’argent avec de l’argent pour échapper à l’économie réelle , de manière incestueuse disait Aristote, elles rêvent , comme les cellules cancéreuses, d’échapper au destin de la mort nécessaire à la vie.
Il était une fois un fleuve puissant et fragile, qui s’était perdu dans le sable d’un désert qu’il avait contribué à créer, disent les contes , ces récits de nos mémoires collectives qui s’enracinent dans nos mythes monothéistes qui relient la notion de sacrifice à celle du salut ! L’économie du salut du Moyen Age et le salut par l’économie de notre société industrielle, ont en commun d’instaurer une Inquisition sur nos sociétés comme les algues vertes sur mon étang, à la veille de leur effondrement !

Metamorphose

Mais il était une fois, aussi, un peuple de poissons, de crustacés et d’oiseaux qui avaient désirer  changer le changement ! Ils ont décidé de s’approprier directement l’énergie gratuite du soleil accaparé par les algues vertes, en créant eux même l’argent crédit nécessaire à leur interdépendance condition du miracle de la vie! Ils ont décidé de modifier génétiquement, imperceptiblement, la tension Capital-travail,  en lui adjoignant le revenu de vie ou revenu d’existence nécessaire à l’autonomie de l’habitat et de la nourriture de survie de chacun, pour transformer le travail en oeuvre. Ils ont compris que seul l’échange sexué ( je suis le lien que je tisse) qu’ils appellent «  intelligence collaborative » , démocratie participative, ou économie de la pollinisation, peut éviter qu’à la fin de l’été une seule variété d’algue asexuée, puisse créer l’enfer pour les autres etres vivants avant de précipiter l’effondrement de tous !
Pour sortir du troisième effondrement du Capitalisme de Marché qui historiquement les avaient toujours mené aux révolutions sanglantes ou aux implosions qui précèdent les guerres, ils ont inventé grâce au revenu de vie ou au revenu d’existence, étang par étang, la troisième voie de la Métamorphose !
Curieusement le revenu de vie a détourné l’énergie de la peur (1700 milliards de dollars), l’énergie du désir mimétique ( 500 milliards de dollars), l’énergie de la fuite dans les paradis artificiels (500 milliards de dollars), qui caractérisait nos sociétés humaines encore adolescentes, en énergie du vivre ensemble et du bien vivre, territoire par territoire ! Le triangle vertueux du revenu de vie, des initiatives citoyennes en transition, des monnaies complémentaires locales, a recentré les activités humaines sur leur territoires singuliers pour les adapter à l’épuisement des « puits de soleil accumulé » que les humains appellent « puits de pétrole ».  croissance
Certe il avait fallu du temps pour déconstruire et reconstruire la notion de, pour déconstruire et reconstruire la notion de l’emploi pour passer du travail à l’oeuvre, pour déconstruire et reconstruire la notion de monnaie accaparée par les algues vertes ! Comme dans la chrysallide où la chenille se déconstruit pour se reconstruire en papillon, il a fallu le temps de la metamorphose !
Grâce à cette première idée nouvelle du 21 ème siècle du revenu de vie, meme si cinq prix Nobel d’économie en avait déjà formulé la proposition au siecle précedent , les humains ont réalisé chemin faisant cette révolution culturelle d’un nouveau regard à la nature et à l’autre fait de reconnaissance, de connaissance et de conscience.
Notre petite planète devenu un monde fini comme mon étang , que nous ne quitterons pas avant longtemps, a eu besoin de la qualité de ce nouveau regard des humains pour continuer sa fonction mystérieuse de laboratoire de la Vie !
Francois Plassard, conteur-chercheur en incompletude et agroéconomiste.

Quand le Revenu d’existence, en agissant simultanément sur le manque de logement et d’emploi,

permet la multiplication de Coopératives d’habitats bioclimatiques intergénérationnels pour de nouveaux liens villes-campagnes et préparer nos territoires à l’après-pétrole.
Assis avec ses quatre nouveaux amis sur un talus, Éric scrute les nuages à l’horizon en commentant cette belle journée de travail en commun.
–       « Si nous finissons la couverture du toit de notre cinquième maison, nous serons à l’abri de la pluie la semaine prochaine pour remplir nos ossatures bois avec nos bottes de paille! Et la pluie c’est ce qu’attendent les semis dans nos jardins partagés ! »
Cela ne fait que trois semaines que nos cinq amis ont démarré cette belle aventure! Il n’en fallait pas plus pour commencer à admirer le début de leur œuvre : sur une ancienne vigne exposée sud et protégée de la Tramontane, cinq maisons de 70m2, chacune sur pilotis avec terrasse, prennent forme. Sans la révolution dans leur vie qu’avait amenée l’instauration par le gouvernement d’un revenu inconditionnel d’existence mensuel de 750€, par un référendum trois mois auparavant, ce rêve n’aurait pas été possible ! Il faut dire que ce référendum pour un nouveau pacte social n’aurait sûrement pas eu lieu sans les manifestations d’indignation dans les rues en conséquence de l’austérité et les débats contradictoires citoyens qui en étaient issus.
Fini tout ce temps passé jour après jour, à Pôle Emploi pour espérer trouver un hypothétique job précaire qui n’arrivait jamais ! Et fini le temps des 120 candidats dès qu’il s’agissait d’une annonce de plus en plus rare, un CDI ! Enfin un nouveau chemin s’ouvrait pour Éric, Geneviève, Pierre, Alain et Sylvie.
Soit : « ne plus perdre sa vie à vouloir la gagner » et réaliser leur rêve : devenir agriculteurs en constituant une AMAP avec des consommateurs de la ville voisine à 10 km.
Tout avait commencé en répondant à une annonce dans la revue « Village magazine » pour les uns ou la «  Maison écologique » pour les autres :
« Commune rurale, pour requalifier son territoire après l’arrachage de 500ha de vignes depuis cinq ans, cherche jeunes motivés pour un choix de vie au plus proche de la nature et pour y construire leur maison bioclimatique ».
Un groupe d’accueil local constitué de quatre personnes bien impliquées sur le territoire – l’adjoint au maire, deux anciens agriculteurs ainsi que le président du syndicat d’initiative – avait reçu douze candidats au cours de deux week-ends. Nos cinq amis avaient été retenus dont Éric, originaire du village, voulant y revenir après trois années de petits boulots précaires dans les métiers du bâtiment à 300km de chez lui.
L’offre était originale : « dans le prolongement de la zone artisanale à moitié vide, la commune en partenariat avec une association foncière « Terres de lien », vous met à disposition un hectare de terrain pour construire ensemble vos cinq maisons en coopérative d’habitat. Vous serez ainsi locataire de votre maison, mais propriétaire aussi par vos parts sociales au sein de la coopérative d’habitat, laquelle louera le foncier sur un bail de 77 ans, renouvelable ».
L’offre était précise et en contenait une autre en annexe, conditionnée au résultat de la première.
«  Si votre coopérative d’habitat suivie par les conseils d’un architecte, répond à nos souhaits, alors elle pourra devenir le maitre d’œuvre sur ce même hectare de cinq nouvelles maisons bioclimatiques (à moins de 50 kWh/m2/an) vendues à des retraités (pour moitié de la commune) devenant ainsi vos nouveaux voisins ».
« Peut-être même vos nouveaux voisins vous aideront-ils à mettre les légumes en sacs ou à planter des haies fruitières entre les rangs de maraichage sur les terrains que vous trouverez à louer » avait rajouté le maire oralement à la lecture du contrat, en indiquant que des terrains communaux, voire des terrains du Conservatoire du littoral, pourraient peut-être convenir pour amorcer le projet…
Cette commune avait compris que l’installation de jeunes en agriculture pour requalifier son espace en partie abandonné, donc de plus en plus vulnérable à l’incendie en pays méditerranéen, où les vents deviennent de plus en plus forts et de plus en plus secs en été (suite au réchauffement climatique), était devenue une nécessité. Si les communes commençaient à mutualiser la lutte contre l’incendie, elles devaient aussi mutualiser la prévention ! L’arrachage subventionné par Bruxelles de 14 000 ha de vignes (qui jouaient historiquement un rôle de pare feu) dans la communauté de commune, rendait la question pertinente !
Mais pour rendre la démarche d’installation agricole « hors cadre familial » qui ne peut trouver sa viabilité économique qu’à la quatrième année, l’idée du maire de donner à ces jeunes 5000 heures de travail à leur porte, rémunérées par des retraités ravis de devenir leurs voisins, était géniale !
Non seulement elle épargnait à ces jeunes de passer par le banquier qui ne les aurait de toute façon pas reçus, mais elle résolvait ce que le langage d’expert en urbanisme appelait «  la baisse de mobilité résidentielle dans l’habitat, pour répondre à l’évolution des besoins d’habitat par tranches d’âge! » (c’est le PDD, Plan de développement durable, en amont du PLU, plan local d’urbanisme, qui le dit !).
Par exemple on ne savait plus que faire des retraités à très faible revenu qui, pour quitter une maison devenue inadaptée à leur âge, quittaient leur village pour une maison de retraite éloignée de leurs proches, une opération coûteuse tant pour eux que pour la collectivité ! Reculer le moment de la grande dépendance dans une maison spécialisée, inventer des situations intermédiaires dans des conditions humaines et sociales satisfaisantes, pour une espérance de vie qui ne cessait d’augmenter, était devenu une grande priorité nationale, après la question du chômage des jeunes et des seniors et celle de l’accès au logement !
L’innovation organisationnelle transversale et intégrée (ici : habitat groupé, jardins partagés, mixité sociale, services mutualisés, etc.) est toujours la réponse à des problèmes devenus insolubles dans la pensée en catégories et en filières, cette dernière ne portant ses fruits que pendant une forte croissance ! C’est cette mutation de la pensée qu’avait stimulé l’effet de levier du revenu d’existence au-delà même d’éradiquer la grande pauvreté. Pour cela il fallait des pionniers comme ce maire pour ouvrir un nouveau chemin !
Territoires en transition
Après la grave crise de 2012-2014 où les prix de l’essence et de la nourriture avaient explosé, la commune avait adhéré au vaste mouvement des « villes et territoires en transition » initié d’abord par les Anglo-Saxons, comme les Allemands avaient initié les premiers le revenu de base ! Ces deux initiatives avaient créé une dynamique nouvelle pour adapter les modes de vie à l’après pétrole.
Le nouveau maire l’avait compris et se plaisait à dire en public que :
« Le nouveau groupement d’habitat bioclimatique intergénérationnel à vocation ”agri-culturelle” pouvait remplir la « fonction relai » motrice sur sa commune d’une nouvelle économie de l’information, de la relation et de la connaissance, exactement comme les premières zones artisanales avaient rempli une « fonction relais » motrice dans la société de production industrielle ». Un tel langage en avait laissé plus d’un pantois !
Bien sûr, pour éclairer son propos, il ne manquait pas de préciser que l’ancien maire qu’il avait  remplacé avait pris le train en marche quinze ans trop tard en construisant sa zone artisanale à moitié vide ! Une manière pour lui d’affirmer sa conviction joyeuse, propre à tous les pionniers, d’inventer le présent à partir d’une vision du futur. C’est ainsi qu’il pariait sur l’alliance de l’agriculture et de la culture, alliance qui allait, grâce à la belle énergie des jeunes et des seniors les plus touchés par l’effondrement de l’emploi, apporter une nouvelle dynamique à sa commune.
La vague des nouveaux habitants l’avait cru mais les propriétaires privés de la terre, pour la plupart d’anciens viticulteurs à la retraite, avaient été réticents à confier leur terres à ces nouveaux venus qui prétendaient « accompagner la nature au lieu de la vaincre » comme ils l’avaient fait avec les engrais, les pesticides, les tracteurs puis les machines à vendanger, les rampes d’arrosage … En travaillant beaucoup pour rembourser le banquier !
La réflexion malencontreuse de Pierre de l’AMAP au bistrot du village avait un jour allumé l’étincelle : « nous on fait de la permaculture avec du BRF (Bois Raméal Fragmenté) et du compost pour se passer de l’irrigation et laisser les micro-organismes régénérer la vie des sols à notre place ; Vous vous faisiez de l’agriculture « pétrolière » qui a appauvri la terre et pollue les nappes phréatiques, c’est pas le même métier ! ».
Le coup avait été dur et fait le tour du village, mais tout le monde s’était tu en constatant que l’espérance de vie des agriculteurs qui n’avait pas augmenté contrairement aux autres, pouvait peut-être avoir un lien avec ce diagnostic.
Mais le plus étonnant fût le ralliement et le basculement des chasseurs et des pêcheurs de la commune à la cause de cette nouvelle génération qualifiée d’ « écolos », avec le même sourire condescendant proche du mépris, qu’on accorde à ces « doux rêveurs » qui osent prétendre transformer le dur travail en œuvre. Il faut reconnaître combien le revenu d’existence, que n’avaient pas les Anciens, obligés de rembourser les dettes, avait contribué par « effet de levier » à cette mutation de l’agriculture pour plus de souveraineté et de sécurité alimentaire qui, avec le coût des transports, était devenu un sujet d’actualité dans un monde turbulent !
De l’innovation d’organisation à la dynamique : quand la mayonnaise prend !
Les nouveaux habitants de la commune, pour beaucoup de jeunes retraités venus d’ailleurs, attirés par la proximité de la mer Méditerranée, avaient été les premiers à utiliser la monnaie complémentaire locale mise en œuvre à l’échelle de la communauté de communes, pour donner un sens politique à leurs dépenses. L’argent qu’on disait autrefois « n’avoir pas d’odeur » était devenu : « informé » de la charte « homme-nature » que chacun devait signer pour transformer ses euros en monnaie locale.
Les clients de ces nouveaux agriculteurs des circuits courts étaient ainsi naturellement trouvés !
Et les chantiers de jeunes payés en monnaie locale (comme d’ailleurs un tiers du revenu d’existence) pour greffer les amandiers sauvages, et replanter des haies fruitières de 17 espèces (on appelait cela l’agroforesterie), pour le plus grand bonheur des randonneurs, avaient fini par convaincre les institutions obsédées par « la religion de la croissance monétaire pour la croissance » devenue par la gravité de la crise mondiale une belle chimère ! Même dans le langage quotidien les mots avaient changé : on ne parlait plus comme avant « d’accroitre le bien-être par le développement confondu à la croissance » mais « d’apprendre à bien vivre » !
Le futur n’était plus comme les institutions l’avaient souhaité. Elles avaient pourtant mis tout leur espoir dans les 1000 milliards d’euros créés début 2012 par la Banque européenne et prêtés à un taux d’intérêt de 1%, à 800 banques européennes qui les avaient reconvertis en 10 000 milliards d’euros. Les PME sur les territoires, qui font l’essentiel de l’emploi avaient été les dernières servies ! Cette énergie considérable de relance avait été à nouveau prêtée à 5% parfois à 7% aux États déjà endettés pour payer leurs fonctionnaires (les impôts sur le revenu étant déjà gagés !). Puis elle avait  été prêtée aux entreprises du CAC 40 déjà largement défiscalisées (pour un montant de 100 milliards/an d’après un rapport au gouvernement d’un député UMP) dont une partie des échanges passent par des sociétés et des banques implantées dans les paradis fiscaux (soit encore 20 milliards de fuite d’impôts pour la France expertise le Parlement européen en 2012 !).
Les territoires avaient eu la part du pauvre et cette relance avait encore gonflé la bulle financière !
Jamais l’effondrement de l’emploi n’avait pris une telle ampleur, l’instauration du revenu d’existence était arrivé juste à temps pour éviter l’explosion de violence!
Retour au village
La coopérative d’habitat bioclimatique intergénérationnelle, n’avait pas fait appel à l’emprunt puisque les cinq maisons supplémentaires avait rempli ce rôle et que le foncier était loué.
Une avance de trésorerie de quelques amis touchant aussi le RIE, à elle seule avait permis d’acheter les matériaux (la moitié du coût d’une maison). Le travail des auto-éco-constructeurs, partiellement accompagné par la formation avec des artisans locaux, avait fait le reste !
En pleine crise grave du logement social que le rapport de la fondation abbé Pierre disait pour la 57ème fois, pire que les fois précédentes, l’expérience réalisée sur cette commune avait pris valeur d’exemple, elle n’avait pas coûté d’argent à la commune ! Elle n’avait coûté que du courage politique : celui de classer en AH (agricole habitable) une parcelle agricole dans le prolongement de la zone artisanale, un choix animé par une vision anticipatrice du futur ! Nombre de maires étaient venus de tous les coins de France pour se réapproprier la démarche !
Aucun des gouvernements précédents n’était arrivé à endiguer cette crise du logement nourrie par la convergence entre une rareté de l’offre de terrains constructibles engendrée par le partenariat « État -mairie » et la frilosité des banquiers à prêter aux promoteurs et aux particuliers (en deçà de revenus de ménage inférieurs à 2600€/mois !). Pour les plus pauvres avoir un toit, c’était plus de la moitié de leur budget ! Pour tous l’accès au foncier avait un coût équivalent voire plus élevé que la maison elle meme !) Un comble !
Même la filière HLM n’arrivait pas à faire baisser la durée de ses longues files d’attente (plusieurs années dans certaines régions) avec l’aggravation de la précarité dont l’effet indirect était de faire grossir les dossiers des gendarmes, de juges et les prisons (record en 2011 : 100 000 années de prison décidées par la justice ! Victor Hugo se serait retourné dans sa tombe, lui qui avait dit en 1848 : « Faites des maisons, pas des prisons »).
Une révolution culturelle sur un thème aussi sensible que l’emploi et le travail, ne se fait pas en un jour !
Il avait fallu dix ans d’évolution pour que 30% des salariés osent progressivement quitter leur emploi et ainsi partager leur travail grâce au RIE !
–        Alain, ingénieur de formation, avait ainsi décidé de réaliser son rêve : concevoir et expérimenter au sein de la coopérative d’habitat, des systèmes de production d’énergies renouvelables plutôt que de s’expatrier comme nombre de ses camarades dans les entreprises délocalisées en Asie. La coopérative d’habitat avait conquis grâce à lui son autonomie énergétique et permis une faible empreinte écologique en combinant des technologies nouvelles à des anciennes, réadaptées, liées à des nouveaux comportements (par exemple les toilettes sèches, l’épuration biologique par filtres plantés, la récupération des eaux de pluie…). S’agissant des transports, une voiture et trois vélos électriques rechargés gratuitement au hameau, ont été mises à la disposition de leurs habitants et de leurs visiteurs ! Mais le plaisir d’Alain c’était aussi le nouveau rucher qu’il avait réussi à monter. Les abeilles étant très sensibles à la qualité de leur environnement, elles témoignaient, par la vigueur de leur développement, de l’évolution des pratiques agricoles sur le territoire.
– Pierre était quant à lui devenu éco-artisan et éleveur pour entretenir (de manière tournante) les friches…
– De leur côté, Éric, Geneviève et Sylvie avaient décidé de devenir maraîchers, cette dernière ayant été licenciée de Pôle-emploi qui, suite à l’instauration du RIE avait pu diviser par trois ses effectifs !
L’accompagnement de personnes âgées, l’accompagnement de randonneurs avec la pratique du conte, comme la production de fruits séchés avec le four solaire d’Alain, avaient utilement diversifié l’activité de maraichage.
Dans la commune, la métamorphose permise par le RIE avait non seulement changé le paysage et trouvé des solutions à des retraités à faible revenu, mais elle avait fortement stimulé la dynamique de la vie relationnelle et de la vie associative. Et au bistrot du village on ne demandait plus à son voisin « qu’est-ce que tu fais dans la vie? », on lui demandait « qu’est-ce que tu fais de ta vie » !
En fait pour tous ces citoyens, l’instauration du Revenu d’existence avait été vécue comme une sorte de Renaissance !
Mais pour les Institutions territoriales, la mutation du pacte social, la métamorphose impulsée le revenu d’existence, avait été vécue dans la souffrance !
La gestion administrative de la pauvreté (5 euros nécessaires pour distribuer 1 euro) avait globalement supprimé un million d’emplois d’accompagnement, d’insertion, de concertation, de gestion de dossiers … On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs !
Là encore il avait fallu du temps ! Celui nécessaire à la déconstruction-reconstruction de la chenille qui dans la chrysalide se transforme en papillon !
– un travail de « déconstruction et reconstruction » du contenu donné à la croissance,
– un travail de « déconstruction – reconstruction »  du contenu donné à l’emploi, ciment de la société industrielle, que le revenu d’existence se propose de transformer en « œuvre »,
–                   un travail de « déconstruction – reconstruction »  du contenu donné à l’argent en acceptant par exemple les monnaies complémentaires locales … et un jour, une refonte du système de création de la monnaie grâce au rôle qu’avait joué en Europe l’ « Appel de Roosevelt » pour lui redonner son rôle de moyen et non de fin ?
La fortune cumulée des 0,2% les plus riches de la planète évaluée à 39000 milliards de dollars (le Figaro 11juin 2010) alors que les peuples s’enfonçaient dans la misère,avait fini par convaincre le Politique de choisir son camp pour rompre l’enchainement de la violence !
Mais progressivement était né un nouveau regard au sein des institutions territoriales pour transformer la relation du « Savoir – Pouvoir – Agir  » (culture de la procédure) qui les caractérisaient au nom de l’accroissement du « bien-être et du développement » confondu avec la croissance, en invention d’un nouveau « Bien Vivre » (culture du processus) par les citoyens tous bénéficiaires de manière inconditionnelle d’un revenu d’existence !
Dira-t-on un jour que cela avait été la première idée politique positive de ce 21ème siècle pour réinventer le vivre-ensemble ?
Francois Plassard,  agroéconomiste, fplassar@gmail.com
Auteur de « Crise écologique ou crise sociale ? Vivre ensemble autrement » préface  d’Albert Jacquard – leseditionsovadia.com –
Association AES démarche éco-hameau, groupe de ressource technique (à l’exemple des GRT du Québec).

Pas de réponses

  1. marie dit :

    bonjour,
    oui, c'est bien mais encore un peu lourd
    personnellement, j'aime bien la réalité vécue à Marinaleda http://fr.wikipedia.org/wiki/Marinaleda
    j'ai eu l'occasion de croiser son maire à qui j'ai offert un …sol-violette ;-))

  2. Daniel Maniscalco - dit :

    L'€VA que je lance comme monnaie libre d'échange et de service, complémentaire à la devise existante que nous utilisons chaque jour est une application du revenu d'existence, un revenu de base.
    En effet, un député sortant m'a confirmé que les revenus des ménages étaient "décorellés" du travail et représentaient comme en Allemagne qu'une partie des ressources financièrss des particuliers (en 2000, en Allemagne, dans le film sur le revenu d'existence, cela correspondait à 49% pour les revenus de transfert et 41% pour les revenus du travail).
    Cela devrait être dans les mêmes propositions aujourd'hui, voire plus pour les revenus de transfert. Le député à qui j'en ai parlé pense que cela est toujours valide.

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