« L’habitat participatif, ce n’est pas pour moi ! »

habitat participatif

Cette phrase je l’entends souvent quand nous organisons des portes ouvertes aux Choux Lents, l’habitat participatif dans lequel je vis depuis 9 ans. Pourquoi cette phrase m’étonne ? C’est vrai que nous sommes tous différents. L’attrait du collectif ne correspond pas à tous et heureusement d’ailleurs car il n’y aurait pas assez de projets pour tout le monde.

Si je coconstruis mon lieu de vie, je peux donc le modeler à mon image

Mais quand même, comment peut-on affirmer avec certitude que l’habitat participatif n’est pas fait pour nous ?Chaque projet est unique, à l’image de ses cohabitants. L’un va porter très fort une dimension sociétale en adoptant un montage juridique engageant et engagé, un autre va se construire autour d’une recherche d’autonomie alimentaire alliant logement et activité agricole, un autre va chercher à construire un habitat urbain en zone tendue, offrant un confort optimal à un prix raisonnable. Le principe même de l’habitat participatif est de participer à la conception, la construction et la gestion de notre habitat (dixit la loi ALUR de 2014). Si je coconstruis mon lieu de vie, je peux donc le modeler à mon image, je peux faire en sorte de trouver un juste équilibre pour moi entre espaces individuels et espaces collectifs. Je peux me construire une grotte bien tranquille afin de me retirer loin de la vue des autres, mais tout en sachant que le jour où j’en ai besoin je peux sortir mon museau et trouver une vie sociale.

Dans mon habitat pour 7 foyers au nord de Lyon, nous avons plusieurs ours de ce type ! Il peut arriver que je ne croise pas certains cohabitants pendant plusieurs jours. Trop de travail, pas l’énergie d’engager la communication ou simplement l’envie de rester sous la couette toute la journée. Peu importe les raisons, en fait. Chacun est libre. Et ainsi quand nous nous retrouvons sur la terrasse commune pour boire un verre ou partager un repas, nous savons que nous sommes dans une énergie d’ouverture, dans une véritable envie de partager, de discuter. Rien n’est imposé, nous avons toujours le choix.

L’habitat participatif offre des possibilités plus grandes qu’en habitat classique

Et du choix, on en a ! Les possibilités sont grandes, bien plus grandes qu’en habitat classique. Les nombreux espaces communs permettent d’accueillir amis, familles, collègues. De se poser sur un banc à l’ombre d’un arbre, tranquille, ou bien de jouer au Hula hoop dans la cour avec des enfants débordants d’énergie. Le week-end dernier nous avons reçu trois groupes de musiques différents, chacun porté par un cohabitant. Dans le salon commun il y avait du jazz cubain, dans le Trait d’Union (notre grande salle commune) un atelier de musique des Balkans et dans un des appartements, un groupe de musique chilienne révolutionnaire. Tout ce beau monde s’est retrouvé pour le goûter entre terrasse et cuisine commune. D’autres week-end nous sommes simplement entre nous, en train de jouer aux cartes au bord de la piscine. Les espaces mutualisés font la richesse de notre collectif. Ils offrent tellement de possibilités !

Mais alors, est-ce possible que ça ne corresponde pas à certains ? Quand j’étais petite, devant mon assiette aux formes inconnues, on me disait « tu ne peux pas dire que tu n’aimes pas si tu n’as pas goûté ! ». Moi je crois que la peur de vivre en habitat participatif est avant tout une projection. On pense que ça va se passer comme ceci, comme cela. On imagine qu’il y aura des personnes « toxiques » et qu’elles vont nous pourrir la vie, on pense que le collectif va nous envahir, nous contraindre, nous forcer à faire des choses qu’on n’aime pas. En fait je pense que cette image négative du collectif vient en partie de la manière de gérer les copropriétés. Ce statut juridique demande à des individus de s’organiser ensemble mais en plaçant le droit individuel comme règle d’or. Forcément, ça ne peut pas marcher !

Fonctionner collectivement, ça s’apprend.

Écouter l’autre sans réagir, entendre et comprendre des avis différents, trouver des solutions qui prennent en compte les besoins de chacun… Et puis quand on y a goûté, quand on découvre la force de l’intelligence collective faisant qu’ensemble on est plus fort, plus créatif que chacun dans notre coin, alors c’est magique, on ne peut plus s’en passer ! Notre société ne nous apprend pas à coopérer, à être en équivalence. Vivre en collectif est une véritable déconstruction de nos schémas de pensées, de nos fonctionnements dans le cadre d’un lent et long apprentissage.

En général, en vivant en collectif, il arrive un moment où l’on se heurte aux autres. D’autres idées, d’autres habitudes, d’autres manières de réagir. Au début de notre vie ensemble aux Choux Lents, je ne le vivais pas toujours bien. « Mais pourquoi fait-elle comme ça ?, qu’est-ce qui le gêne quand je fais ci ? ». De l’incompréhension, en passant par la prise de bec, nous avons appris à nous parler, à dire ce qu’on vivait sans se blesser (merci la Communication Non Violente !). Petit à petit nous avons compris ce qui se jouait chez l’autre, premier pas vers l’acceptation. Ma cohabitante dit « Nous étions des cailloux anguleux et à force de nous frotter les uns aux autres, nous nous sommes polis ». L’acceptation de l’autre passe souvent par une acceptation de soi, une meilleure connaissance de nos failles. On voit en l’autre ce sur quoi nous avons à travailler. On appelle ça l’effet miroir. En cela l’habitat participatif est une véritable galerie des glaces !

Alors êtes-vous fait pour l’habitat participatif ?

Si vous êtes prêts à remettre en question tous vos repères de vie en société, que vous avez l’envie d’apprendre de nouvelles manières de fonctionner en coopération et que vous constatez que c’est le lien social qui vous apporte le plus de bonheur au quotidien, alors vous êtes sur la bonne voie. Si vous acceptez de regarder en face vos blessures les plus profondes et d’entreprendre un travail pour vous en libérer,  si vous trouvez que les obstacles que la vie met sur votre route sont autant de prétextes pour travailler sur vous, grandir, vous sentir plus libre et plus heureux, alors sans aucun doute la vie en collectif est faite pour vous !

Mais comme tout le monde n’est pas prêt à cela…non, vraiment, l’habitat participatif n’est pas fait pour tout le monde !

Par Audrey GICQUEL, autrice du livre Les clés de l’habitat participatif, Ed Yves Michel,

Audrey GICQUEL

Audrey GICQUEL, ingénieure INSA, a longtemps travaillé dans le domaine des énergies renouvelables. En 2011, après un an de voyage, elle initie un projet d’habitat participatif. Elle se forme alors à de nombreuses techniques : sociocratie, Communication Non Violente, permaculture, gouvernance partagée... Après une collaboration de trois ans avec la société coopérative Habitat et Partage, elle devient accompagnatrice indépendante en 2021. Elle donne des conférences gesticulées et anime une chaîne Youtube sur le même thème.

2 réponses

  1. Bourcier martine dit :

    J’aimerais et je pense que je pourrais participer et habiter dans un projet/ participatif.
    Mais je suis seule, aucun de mes amls ou connaissances ne semblent participer à un tel projet.
    Comment rentrer dans ce reseau ? Quelle association peut m’y aider ? Quelle association dois-je integrer?

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