Origines et perspectives de la crise bancaire en Europe

Origines et perspectives de la crise bancaire en Europe

29 novembre 2011 par Daniel Munevar, membre du CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde)
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La compréhension des problèmes actuels du système bancaire et ses implications pour le projet d’intégration européenne implique de connaître le fonctionnement du système. Le présent article vise à montrer les principales caractéristiques du fonctionnement des institutions bancaires européennes et l’impact des transformations des dernières décennies sur leurs difficultés actuelles.
Cet article se divise en 4 parties. La première explique les caractéristiques fondamentales du fonctionnement d’une institution bancaire moderne. La seconde décrit les transformations opérées dans le modèle commercial des banques depuis les années 1980 et comprend une information sur les instruments financiers créés au cours de cette période. Une troisième partie analyse les principales sources de risque qui menacent les entités bancaires européennes avec les portefeuilles d’investissement en dérivés financiers et titres de la dette souveraine des pays européens. La quatrième et dernière partie décrit les perspectives futures des entités bancaires européennes et leurs implications pour le projet d’intégration européenne.
I. Comprendre le fonctionnement d’un système bancaire moderne
Aujourd’hui pratiquement tous les systèmes bancaires opèrent sur base d’un modèle fractionné de réserves où la Banque centrale et les banques exercent la fonction fondamentale de contrôle de l’offre monétaire par la gestion des réserves bancaires. La Banque centrale a le pouvoir de créer ou d’éliminer des réserves bancaires en agissant sur les bilans des banques. Cette intervention a lieu au niveau de leurs comptes de bilan avec l’objectif d’augmenter ou de diminuer l’offre monétaire au sein de l’économie. Il appartient néanmoins totalement aux banques de traduire l’offre monétaire en argent mis en circulation dans l’économie. Cette utilisation des réserves bancaires contrôlées par la Banque centrale, donne aux banques le pouvoir d’étendre ou de restreindre le crédit qui a un impact direct sur l’activité économique.
Ce modèle est appelé fractionnaire car l’augmentation réelle du crédit lié à l’augmentation des réserves que doivent détenir les banques selon les prescriptions de la Banque centrale peut être un multiple de plusieurs fois cette augmentation. La raison en est qu’une banque a seulement l’obligation de provisionner dans ses comptes de bilan une fraction de l’augmentation des réserves d’entre 10 et 20% tandis qu’elle convertit le reste en crédit qui donne lieu à l’équivalent en monnaie en circulation dans l’économie. Les réserves ont pour objectif le maintien d’un niveau minimum de cash pour répondre aux transactions et permettre à la fois à la Banque centrale de contrôler l’offre monétaire.
Une augmentation par exemple de 100 euros dans les réserves bancaires menées à bien par la Banque centrale européenne (BCE) permet une augmentation de plus de 1000 euros de la quantité d’argent en circulation. Dans la mesure où une banque qui reçoit l’augmentation des réserves en garde 10%, cela lui permet de convertir le reste en crédit ce qui donne dans un premier temps 190 euros en circulation. Si ce processus se répète pour une seconde banque, la nouvelle augmentation de crédit d’une valeur de 81 euros porterait l’offre monétaire totale à 271 euros. Si elle se répète un nombre suffisant de fois, l’augmentation totale de l’offre monétaire arriverait à 1.000 euros.
Le fonctionnement du système de réserves fractionnées peut être compris plus facilement par l’analyse des comptes de bilan d’une banque. Chaque compte de bilan se compose de 3 éléments : les actifs (sous la forme de crédits au public), les passifs (les dépôts du public et réserves bancaires) et le capital de la banque. Le graphique 1 montre la structure d’un compte de bilan.

Graphique 1 – Comptes de bilan d’une banque


A ce graphique, il faut rajouter 4 éléments du fonctionnement d’une banque qui sont clé pour comprendre les problèmes bancaires du système financier européen sur lesquels nous reviendrons ultérieurement. Le capital propre d’une banque représente en général une petite partie – entre 3 et 12% des actifs – sur lequel la banque peut compter. Etant donné le statut privilégié de ces institutions dans la société moderne, il faut souligner qu’une banque opère en grande partie avec l’argent du public.
Un second élément important est le modèle commercial d’une banque traditionnelle. Travaillant avec l’argent des citoyens, la banque obtient des revenus en arbitrant le risque d’investissement. C’est-à-dire qu’elle capte des dépôts à court terme du public, qu’elle rémunère par des taux d’intérêt bas pour les investir ultérieurement dans des projets d’investissement offrant de bonnes perspectives de rendement à long terme rémunérés par des taux d’intérêt plus élevés que ceux offerts au public. Le différentiel entre les taux d’intérêt payés au public et ceux qui rémunèrent les prêts est le principal indicateur de rentabilité de la banque. C’est précisément parce que la rentabilité dépend du remboursement des crédits qui demeurent dans les comptes de bilan des banques qu’il existe un effet incitatif direct pour s’assurer que l’entité qui contracte un crédit a bien la capacité ultérieure de le rembourser.
Un troisième élément est le contrôle des dépôts de la part de la Banque centrale. Or, comme nous l’avons signalé, les réserves fonctionnent comme un mécanisme destiné à ce que les banques aient un minimum de liquidités pour assurer leurs transactions. En raison de cet objectif spécifique des réserves, les Banques centrales exigent qu’elles soient composées d’actifs hautement liquides et à faible risque, de préférence sous la forme de titres de la dette souveraine. Par ailleurs, en modifiant le niveau des réserves qu’elle exige des banques, la Banque centrale peut augmenter ou réduire le multiplicateur de l’offre monétaire. Par exemple dans le cas où la Banque centrale considère que l’offre de crédit augmente trop, elle peut augmenter le niveau des réserves requises ce qui oblige les banques à diminuer leurs crédits pour faire face à cette exigence.
Finalement, en dernier lieu il y a la garantie des dépôts dans les banques. Actuellement, il existe dans tous les pays de l’OCDE des mécanismes de garantie des dépôts du public jusqu’à un certain niveau au cas où la banque éprouverait des problèmes de solvabilité. Cette mesure a été mise en place dans le cadre de la Grande Dépression aux Etats Unis pour éviter que la panique du public face à des rumeurs d’insolvabilité des banques ne le conduise à retirer précipitamment son argent. La crise financière de 2008 qui a donné lieu à une augmentation rapide du nombre de banques éprouvant des problèmes a montré l’importance des garanties sur les dépôts. Les banques modernes travaillent avec l’argent du public mais celui-ci bénéficie d’une garantie de l’Etat. Néanmoins, il n’existe pas actuellement un système de limitation drastique de l’utilisation des ressources du public de la part des entités bancaires.

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