Economie, monnaie: sortir de la pensée unique, chagement de paradigme en Europe

Pour sortir de la pensée unique : un changement de paradigme en Europe ?

L’espèce humaine s’est construit des règles pour échanger des biens ou des services. Ces règles reflètent la manière dont les hommes voyaient le monde autrefois : un monde où la pénurie faisait rage où pour se procurer le nécessaire pour vivre, il fallait déposséder autrui ou l’affaiblir, un monde où il fallait dominer et croître, l’un n’allant pas sans l’autre.
Puis ce monde a changé, grâce aux machines et à une meilleure connaissance des besoins des plantes et des animaux, les hommes sont devenus capables de produire plus qu’ils n’ont besoin . Cependant, le formatage mental issu du passé de pénurie les rend incapables de partager et on a pu voir depuis la crise internationale de 1929 que le système économique devenait inapte à gérer l’abondance. Pouvaient co-exister simultanément des surplus agricoles et des hommes affamés et depuis à l’échelle de la planète cela continue. En 2006, quelques centaines de milliardaires en dollars (746 en mars 2006 soit 18% de plus qu’en 2005, 891 en avril 2008) cohabitent avec plus de deux milliards d’êtres humains qui n’ont même pas un dollar par jour pour subvenir à tous leurs besoins. Dans ce cas, la pauvreté et la dignité ont été remplacées par la misère sans nom pour une part importante de l’humanité .
Pour changer ce système de pensée : il y a trois points à modifier ; le point 3, le plus important, est dépendant des points 1 et 2.

POINT 1 :Toutes les doctrines économiques officielles reposent sur la gestion des ressources rares, or le problème actuel des humains : c’est comment écouler des surplus de produits agricoles ou industriels, de services, comment utiliser un surplus de main d’œuvre (22 millions de personnes au chômage en Europe), des productions artistiques, des diplômés…. Bref, comment gérer l’abondance ?
Construire une gestion de l’abondance qui implique le partage solidaire et la « fabrication de clients ou d’acheteurs » est possible, les théories existent (Gessel, …) et les applications aussi (le plan Marshall, Ithaca, les S.E.L.s…)
POINT 2 : La création monétaire a été confisquée par des règles comptables au profit d’une minorité. Depuis 1972, plus aucune monnaie n’est dépendante d’une contre-partie matérielle : la monnaie dans chaque pays est donc une création ex-nihilo qui ne dépend que de la volonté de quelques-uns, les grands argentiers : banque mondiale, FMI, les banques centrales…
Si la monnaie n’était pas confisquée : rien n’empêcherait les humains, quand cela ne nuit pas à l’environnement, de satisfaire des besoins, si ce projet correspond à un désir et si les ressources matérielles et humaines sont suffisantes. Or, le système de pensée hérité du passé mais satisfaisant les besoins de dominance, nous condamne à quatre « maux » qui s’engendrent mutuellement :
1 – l’inflation qui gêne ceux qui vivent de la rente de l’argent (depuis Raymond Barre dans les années 70, l’inflation a été combattue comme le Mal absolu par les grands argentiers)
2 – ou, sinon, le chômage qui gène beaucoup moins les rentiers (l’entreprise peut aller mal et licencier ses employés mais les actionnaires et ceux qui vivent des « stock options » s’en sortent souvent bien)
3 – ou le déficit budgétaire (maintenant interdit ou faiblement toléré en Europe par les accords de Maastricht !) qui pourrait créer la monnaie manquante comme le font les USA pour faire la guerre çà et là (mais, ce déficit pourrait être utilisé pour transformer la terre en écosystème équilibré plutôt qu’en le déséquilibrant en dé-fossilisant le carbone comme ils le font)
4 – et, enfin, le quatrième : le déficit du commerce extérieur, il fait courir un risque réel à l’économie, car tout ce qui se fait à l’extérieur d’un pays doit être payé avec de la monnaie devise, qui n’est pas créée ex-nihilo par le pays acheteur. Les délocalisations favorisent ce déséquilibre, mais tout excédent du commerce extérieur est une agression pour les autres pays, les échanges avec chaque pays devraient être strictement équilibrés pour que l’un ne soit pas affaibli par l’autre. Or la solution actuelle trouvée pour la France, l’Europe et le monde entier c’est vendre, vendre à l’étranger pour compenser la fermeture des entreprises et les délocalisations, comme si un pays était une épicerie, en oubliant que chaque fois que la France gagne des parts de marché (exemple : Air Bus / Boeing), l’entreprise de l’autre pays privée de ces parts va devoir licencier.
Parmi ces quatre maux, deux sont virtuels (l’inflation et le déficit du budget intérieur) et sont sans conséquences réelles depuis que la monnaie est dématérialisée tandis que les deux autres (le chômage et le non équilibre des commerces extérieurs) laminent l’humanité.
Pour compenser ces quatre maux, les hommes vont chercher leur salut dans la croissance, elle est devenue « financièrement nécessaire » dans ce système de pensée ou paradigme pour compenser le fait que les machines produisent toujours plus et à plus bas prix. Les règles qui en découlent, jettent les hommes dans la concurrence sans merci. Grâce au chômage, le système de pénurie est rétabli, la loi du plus fort s’est déguisée, cette fois-ci avec « la loi du plus rentable (sur le plan financier et à court terme) ». À titre d’exemple, l’emploi du titulaire d’un doctorat va être fragilisé par celui qui accepte de travailler pour le salaire minimum, celui-ci sera fragilisé par ceux qui acceptent le travail au noir dont l’emploi sera, à son tour, fragilisé par les « sans papiers » et au bout de cette chaîne d’affaiblissement, on trouve l’esclave ou son équivalent : le prisonnier, politique ou pas, dans certains pays.
POINT 3 : De ces différents maux artificiellement construits par les hommes, le plus dangereux est la croissance, il nous fait oublier que les ressources sur notre planète sont limitées et avec elles notre survie. La dé-confiscation de la monnaie est à la portée de tout groupe humain qui le décide, puisqu’il ne s’agit que d’une création ex-nihilo, mais elle doit être faite pour être exclusivement au service de projets qui respectent les écosystèmes de la biosphère. La recherche de la décroissance sur le plan énergétique doit être une priorité vitale. Quand l’argent ne manque pas, de nombreuses solutions jugées non rentables sur le plan financier dans l’ancien paradigme, le deviennent dans le nouveau. Par exemple, des millions d’emplois peuvent être mis au service de l’entretien et la création de forêts ou d’utilisation des excédants forestiers  pouvant produire des carburants « verts » sans engrais, recyclant le carbone de l’atmosphère, donc sans rajouter de carbone fossile (pétrole, charbon, gaz naturel,…). La recherche de cette décroissance énergétique pourrait s’accompagner d’une augmentation du recours aux services humains ne consommant pas de matières non-renouvelables et participant à la qualité de la vie.
Que chacun essaye d’imaginer ce qu’on pourrait faire sur cette planète si l’argent ne manquait pas et si on s’interdisait de maltraiter les écosystèmes qui nous ont engendré et dont on dépend pour rester en vie, nous, nos enfants et ceux des autres.

Daniel Favre, docteur d’État en neurosciences et docteur en sciences de l’éducation, est enseignant-chercheur à l’université de Montpellier. Son intérêt pour modéliser la dimension affective dans l’apprentissage et la relation pédagogique l’a amené, d’une part, à explorer les liens entre la violence, l’échec scolaire, les motivations et les valeurs et, d’autre part, à évaluer en terme de prévention des dispositifs originaux de formation.

Auteur de : « Transformer la violence des élèves – Cerveau, Motivations, Apprentissage » Dunod 2007, et co-auteur de : « Les valeurs explicites et implicites dans la formation des enseignants » – Entre « toujours plus » et « mieux vivre ensemble » De-Boeck Universités à paraître en octobre 2008 – Naissance du quatrième type, Le Souffle d’Or (épuisé).

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