Findus: l'arbre qui cache la forêt des intérêts, des mafias et des élus incompétents !

Ne soyons pas étonnés par le scandale des lasagnes à la viande de cheval !

Un article de la journaliste Sylvie SIMON.
Cette semaine, le scandale de la viande de cheval dans des lasagnes censés être au bœuf a fait oublier, du jour au lendemain, tous les scandales qui inquiètent la France mais qui ne durent que l’espace d’un instant, c’est-à-dire le temps d’un scandale suivant.
Au Royaume Uni comme en Franceet en Suède, enquêtes et menaces de sanctions se succèdent, mais personne n’admet être responsable. Nous y sommes habitués.
« Nous avons été trompés », affirme le directeur général de Findus France, Matthieu Lambeaux, dans un communiqué. Barthélémy Aguerre, le président de Spanghero, importateur de la viande basé dans le sud-ouest de la France, a aussi annoncé une action en justice contre son propre fournisseur roumain, dont il n’a pas donné le nom, assurant qu’il ne l’avait pas sur lui. Encore un acteur du scandale qui semble peu au courant de ce qui se passe dans son usine. Qui peut croire qu’il ignore même le nom de l’un de ses plus importants fournisseurs ?
De Londres, Findus a évoqué une lettre de son fournisseur français Comigel, spécialisée dans la fabrication de plats surgelés, qui a insisté sur le fait qu’il n’était pas « au courant l’an dernier du problème de contamination à la viande chevaline », les lasagnes incriminées étant préparées au Luxembourg dans une filiale de Comigel.
Ainsi, personne n’est au courant et nous devrions croire que tous ces gros industriels ignoreraient tout de ce qu’ils vendent et seraient surpris de la présence d’ingrédients inconnus d’eux, car la question qu’ils posent est « comment cette viande s’est-elle retrouvée là ? » Et aucun d’eux n’a été capable de reconnaître la différence entre la viande de bœuf et celle de cheval, dont le goût et la couleur sont très différents. Ou bien ils ne surveillent jamais leurs usines, ou bien ils font confiance à des assistants qui n’en savent guère plus. Voilà qui est très rassurant !
D’après le ministre français en charge de la Consommation, Benoît Hamon, le fournisseur de l’usine luxembourgeoise de Comigel est le groupe français Poujol, holding de tête de la société Spanghero, qui a acheté la viande surgelée à un trader chypriote, qui avait sous-traité la commande à un trader situé aux Pays-Bas, ce dernier s’étant fourni auprès d’un abattoir et d’un atelier de découpe situés en Roumanie.
Pour le gouvernement « L’enquête se poursuit. Elle établira très vite la liste des clients auxquels Comigel a vendu, en France et en Europe, des produits fabriqués à partir de viande acquise auprès du groupe Poujol ».
En Roumanie, les professionnels du secteur renvoient la balle vers l’importateur, Spanghero. S’il « n’a pas protesté lors de la réception en constatant que c’était du cheval et pas du bœuf, c’est que soit il était complice avec le producteur roumain, soit il a changé l’étiquette après », a affirmé à l’AFP Dragos Frumosu, président des syndicats de l’industrie alimentaire (FSIA).
Pour résumer l’affaire, aussi opaque que compliquée, la société suédoise Findus s’approvisionne chez Tavola, au Luxembourg, filiale de l’entreprise française Comigel, qui achète sa viande à une société française dans l’Aude, qui appartient à la coopérative basque Lur Berri. Cette société, Spanghero, serait passé par un trader chypriote, lui-même passé par un autre trader néerlandais, pour importer de la viande provenant d’un abattoir roumain !
Quant au ministère roumain de l’Agriculture, il confirme que deux sociétés font l’objet d’une enquête sanitaire mais qu’elles « disposent d’une autorisation sanitaire pour l’abattage et le dépeçage du bœuf, du porc, du mouton et du cheval ».
 
Comme l’explique bien Fabrice Nicolino, dans son ouvrage Bidoche L’industrie de la viande menace le monde. (Actes Sud, septembre 2010) : « On nage en pleine hypocrisie. Findus et autres marques s’approvisionnent à bon prix. Quiconque accepte l’élevage industriel et la mondialisation de notre alimentation ne peut s’étonner de ce phénomène. […]
« Nous avons mis le doigt dans un engrenage pervers. Les consommateurs ont accès depuis des dizaines d’années à des produits alimentaires de moins en moins chers en comparaison de leurs revenus. Ils en sont bien heureux. L’industrie répond à cette attente en faisant appel aux fournisseurs les moins chers possibles. Résultat, ce sont les produits les plus douteux qui remportent le plus de succès.
« On a accepté une révolution incroyable dans l’histoire humaine. Pendant 2 millions d’années, l’homme savait d’où provenait sa nourriture, que ce soit de l’animal qu’il venait de chasser ou du marché du coin. Mais en quelques dizaines d’années, nous avons délégué notre capacité de sélection. Nous avons accordé notre confiance, dans un domaine aussi fondamental que notre alimentation, à des systèmes totalement abstraits, régis par des lois qui n’ont rien d’humain, des lois industrielles, des lois économiques, des lois financières. Nous faisons confiance à des personnes dont on ne sait rien, que l’on ne peut pas contacter. Nous n’en avons plus le contrôle moral. Cela montre un niveau de conscience sociale très bas. […] » (Interview de Fabrice Nicolino par Donald Hebert, parue dans  Le Nouvel Observateur au moment de la sortie du livre).
 
« Je suis sûr que l’importateur (français) savait que ce n’était pas du bœuf, car le cheval a un goût, une couleur et une texture particuliers », a déclaré Sorin Minea, le président de l’association Romalimenta qui regroupe les patrons roumains de l’alimentaire. D’après lui, il existe en Roumanie trois abattoirs de chevaux qui exportent la viande vers des pays de l’UE, notamment la France et l’Italie. « Le recours à de la viande chevaline s’explique probablement pour des raisons financières. Le cheval est moins cher que le bœuf ». Le ministère roumain de l’Agriculture a pour sa part indiqué qu’il menait une enquête sur cette affaire.
En 2008, la Roumanie a exporté 3 300 tonnes de viande de cheval, animaux torturés et sacrifiés dans des abattoirs illégaux, et qui restent non identifiables. En 2009 ce sont 14 000 chevaux vivants qui ont été de nouveau expédiés vers l’Italie. Un rapport de la Direction pour l’alimentation et les services vétérinaires de la Commission Européenne a mentionné l’échec complet de l’identification des chevaux en ce qui concerne la Roumanie.
 
En France, la direction de la répression des fraudes, qui dépend du ministère de l’économie, a indiqué qu’elle ouvrait aussi une enquête pour identifier l’origine de la « tromperie », ce qui nuit à « la confiance accordée à l’ensemble de la filière et doit être sévèrement sanctionnée », a affirmé le ministre français de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. En vérité, ce genre de  « tromperie » existera tant que la traçabilité parfaite ne sera pas exigée et surtout que la mondialisation en cours permettra des voyages à travers la planète de produits qui devraient être fabriqués sur leur lieu de production.
Quant à Benoît Hamon, ministre délégué à la Consommation, il pose benoitement – c’est le cas de le dire – la question : « Y a-t-il eu négligence de la part de l’importateur français qui a manqué à son travail de contrôle ? Ou y a-t-il tromperie délibérée ? » Il en profite pour égratigner Donald Cameron : « Les contrôles existent, ils sont plutôt efficaces. J’entends que monsieur Cameron s’inquiète de cela. Je lui rappelle que lui qui aime l’UE sans État, sans contrôle, on voit les conséquences que cela peut avoir, et qu’il faut donc plus de régulation que le modèle économique qu’il défend ». C’est pour lui l’occasion de défendre l’Europe et ses contrôles qui ne servent pas à grand-chose comme nous le constatons chaque jour.
Pendant ces querelles de clocher où chacun se renvoie la balle, évitant de parler du véritable problème de l’horreur alimentaire, le 9 février 2013, Gérard Luçon, ancien Directeur au ministère de la Justice, soulevait un autre lièvre dans Agoravox 12 février 2011.
En février 2011, un article paraissait dans la presse roumaine, signé Cornel Ivanciuc, sous le titre : « Y aurait-il en Roumanie une mafia de la viande, en liens avec des français et des italiens notamment ? » (Voir suite de l’article sur Agora Vox).
Ces dérives, attribuées à de la négligence, viennent surtout de la consommation exagérée de viande depuis la fin de la dernière guerre. En 1790, les Français mangeaient dix-neuf kilos de viande par an. En 1964, ils en consommaient soixante-dix-huit kilos et en 1992, ce chiffre était passé à cent vingt-huit kilos. La situation est pire aux USA où on ingurgite annuellement 6,7 milliards de hamburgers. Dans ce pays, 55 % de la production d’antibiotiques sont injectés dans le bétail, venant s’ajouter aux hormones.
Le cheptel mondial bovin produit annuellement 100 000 tonnes de méthane, molécule plus dangereuse encore que le CO2, accusé d’être responsable de la destruction de la couche d’ozone. Notre consommation excessive de viande est donc aussi préjudiciable à l’écosystème de notre planète.
Pour produire un kilo de protéines animales, vingt kilos de nourriture végétale sont nécessaires. Le bétail mondial absorbe un tiers de la production des céréales produites dans les pays où sévit la famine. A ce sujet, Joël de Rosnay déclarait il y a quelques années : « En 1974, si les Américains avaient mangé 35 % de viande en moins, 32 millions d’hectares de terre servant à l’alimentation du bétail aurait été libérés, de quoi planter du soja sur cette surface pour restituer aux Américains les protéines dont ils auraient besoin. »
Au Brésil, où il existe trente-huit  millions de sous-alimentés, le quart des terres cultivables sert à l’alimentation du bétail. Ces terres sont arrosées de pesticides qui contiennent des substances mutagènes, cancérigènes que les animaux absorbent en plus de tous les produits chimiques qu’on leur administre. Il est donc évident que lorsqu’on avale ces hamburgers, on avale des quantités de produits chimiques dangereux. Au lieu de nous informer de tous ces problèmes, on nous demande d’aider la recherche contre le cancer, sans jamais vouloir en supprimer les causes, ce qui ruinerait bien des lobbies.
 
Tout cela n’a pas empêché le président Hollande – qui n’est plus à une bévue près – d’avoir déclaré le 5 février devant le Parlement européen à Strasbourg : « aujourd’hui, ce sont les productions animales qu’il convient de favoriser par rapport aux productions végétales », car « il y a une vraie crise de l’élevage en Europe ». Ainsi, la crise est à ses yeux plus importante que la santé.
Les recommandations du PNNS, (Programme National Nutrition Santé) qui conseille aux Français de manger 1 à 2 fois de la viande par jour et 3 à 4 fois des produits laitiers par jour, influent notablement sur les cancers (colorectal, de la prostate et du sein en particulier), les maladies cardiovasculaires, l’obésité, l’hypertension, l’ostéoporose, le diabète de type 2, l’altération des fonctions cognitives, ainsi que de très nombreuses pathologies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde. À se demander si l’on veut véritablement supprimer le cancer qui, comme le disaient les internes de Villejuif : « fait vivre davantage de gens qu’il n’en tue ».
Notre Président ignore-t-il vraiment que l’élevage pratiqué en France et en Europe est la première source de pollution ? L’élevage recouvre déjà 2/3 des terres agricoles en France, consomme 10 fois plus d’eau que pour produire des protéines végétales, pollue nos rivières et nos plages, nécessite encore et encore des déforestations, est responsable de 18 % des gaz à effet de serre (autant que les transports ou l’énergie). La réduction de la part carnée de l’alimentation afin de réduire le réchauffement climatique est ainsi sous la responsabilité de chacun d’entre nous.
Encore une fois, le président Hollande bafoue la volonté des scientifiques intègres et de tous les organismes internationaux, y compris la FAO qui démontrent que l’humanité ne pourra être nourrie qu’en diminuant très fortement la part des produits animaux au profit des produits végétaux.
Ajoutons à ces considérations que les conditions de l’élevage industriel sont indignes d’un pays qui se prétend civilisé alors que 82 % des 700 millions de poulets de chair sont élevés sans accès à l’extérieur, 81 % des 47 millions de poules pondeuses et 99 % des 40 millions de lapins sont élevés en batterie de cages. 90 % des 25 millions de cochons sont élevés sur caillebotis en bâtiments. Étant donné leur épouvantable état de santé, ils sont bourrés de produits chimiques et de médicaments que les consommateurs avalent sans état d’âme. Quant aux bovins, s’ils sont encore parfois élevés en plein air, certains d’entre eux passent aussi leur vie en stabulation et les autres absorbent des quantités de produits chimiques et vaccins, voient leurs cornes supprimées et les vaches n’ont même plus la satisfaction de rencontrer un taureau, étant artificiellement inséminées. Les responsables mériteraient d’être traités de la même manière !
Aussi, le « scandale Findus » est bien peu de chose par rapport à la réalité.
 

Sylvie Simon

 

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