« Le Grenelle de l'environnement n’est qu’une opération de verdissement »

Le Grenelle de l’environnement a quatre ans. Le 25 octobre 2007, Nicolas Sarkozy présentait les premières conclusions des trois mois de rencontres et discussions entre représentants de l’Etat, ONG écologiques, collectivités locales et acteurs de la société civile. “Je veux que le Grenelle soit l’acte fondateur d’une nouvelle politique, d’un New Deal écologique en France, en Europe et dans le monde”, lançait alors le président français, en détaillant 268 ambitieux engagements.
Aujourd’hui, l’environnement et la croissance verte ne sont plus au cœur des préoccupations du gouvernement. A tel point que la ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet, en déplacement à Lyon ce mardi 25 octobre, a dû se prêter au périlleux exercice de défendre le bilan d’un processus que les autres ministres et le chef du gouvernement n’ont de cesse d’entailler. Pour Stéphen Kerckhove, délégué général de l’association Agir pour l’environnement et auteur du livre Grenelle de l’environnement, l’histoire d’un échec, le “Grenelle n’est plus aujourd’hui qu’une opération de verdissement écologique”.
Quels sont les principaux reculs du gouvernement par rapport aux mesures annoncées à l’issue des concertations du Grenelle ?
Stéphen Kerckhove : Les reculs sont manifestes sur presque tous les sujets, ce qui fait du Grenelle de l’environnement un échec. La fiscalité écologique est l’un des parents pauvres de ce processus : la taxe carbone a été renvoyée au niveau européen ; la taxe pique-nique (sur les couverts et assiettes jetables non recyclables) abandonnée ; le crédit d’impôt pour les investissements dans les énergies renouvelables divisé par deux (de 50 à 25 %) ; le malus sur les voitures polluantes n’est pas suffisamment incitatif et le bonus va être revu à la baisse ; enfin, la taxe poids lourds, qui doit financer le développement du rail, a de nouveau été reportée à 2013 et François Fillon a annoncé lundi qu’il allait déposer des amendements pour instaurer des dérogations.
En conséquence, la France est très en retard en matière de transports. Le fret ferroviaire représente 12 % du fret global au lieu des 18 % qui avaient été prévus. Le gouvernement vient par ailleurs d’autoriser les 44 tonnes à circuler sur les routes françaises, augmentant encore davantage la rentabilité du fret routier.
Le gouvernement avait aussi pris un moratoire sur la construction de nouvelles infrastructures. Finalement, il a été abandonné et les constructions relancées : 1 000 kilomètres supplémentaires d’autoroutes, un nouvel aéroport du Grand Ouest à Notre-Dame-des-Landes et un incinérateur à Fos-sur-Mer.
Enfin, le secteur de l’énergie pâtit du manque de cohérence d’un gouvernement qui multiplie les annonces mais n’en met aucune en œuvre. En témoignent le durcissement de la réglementation et des conditions d’implantation des éoliennes, ainsi que le moratoire sur les tarifs de rachat par EDF de l’énergie photovoltaïque, alors que nous devons atteindre un objectif de 20 % d’énergies renouvelables en 2020. Résultat : la part d’électricité d’origine renouvelable recule en France au lieu d’augmenter : elle est ainsi passée de 15 % en 1997 à 14,7 % en 2010 selon le Comité de liaison énergies renouvelables.
Le Grenelle de l’environnement a-t-il malgré tout suscité des avancées ?
Stéphen Kerckhove : Sur la forme, le gros point positif c’est que l’environnement est devenu un enjeu à part entière, sérieux, dans l’esprit du grand public. Les gens se sont appropriés cette question car l’Etat en a parlé.
Sur le fond, les avancées se comptent sur les doigts d’une main, comme la meilleure isolation des logements neufs (avec un maximum de consommation énergétique de 50 kWh/m/an), le moratoire sur le MON810 ou l’abrogation des trois permis d’exploration de gaz de schiste. Mais ces points positifs, on les doit davantage à la mobilisation de la société civile qu’au gouvernement.
Vous estimez donc que le gouvernement se désintéresse de la question écologique ?
La situation a bien changé depuis octobre 2007. Aujourd’hui, le chef de l’Etat ne s’appuie plus sur les associations écologiques pour promouvoir sa politique environnementale. Pire, il critique sans cesse l’action des écolos, qu’il qualifie d’intégristes, comme au salon de l’agriculture ou devant les paysans bretons. Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet, on a l’impression qu’elle ne sert plus à grand chose à force de perdre systématiquement, depuis quatre ans, face aux autres ministres sur les thématiques environnementales.
Les associations ont par ailleurs l’impression d’avoir été instrumentalisées : le Grenelle a délégitimé la notion de débat public puisque les projets n’ont pas été traduits dans la loi. Au final, le Grenelle de l’environnement n’a été qu’une vaste opération de verdissement écologique du mandat de Nicolas Sarkozy.
Photo : PATRICK PLEUL / DPA / AFP  https://ecologie.blog.lemonde.fr/files/2011/10/000_DV1022913.jpg
Sébastien BLAVIER/ Responsable du Pôle International
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